Entretien avec Zineb Fahsi

Yoga : L’exploration de soi au service du capitalisme

Illustration : Vanya Michel

À l’origine, le yoga pré­mo­derne était une tech­nique de libé­ra­tion de la souf­france humaine en bri­sant le cycle des renais­sances ici-bas. Il ne s’agissait ain­si pas de trou­ver le bon­heur en ce monde, mais bien de sor­tir de cette vie consi­dé­rée comme source de souf­france. Au fil des mil­lé­naires, le yoga est pas­sé du renon­ce­ment au monde au déve­lop­pe­ment per­son­nel. Com­ment en est-on arri­vé là ? Com­ment cette pra­tique ances­trale venue d’Inde est-elle deve­nue l’instrument de notre monde capi­ta­liste pour faire de nous de bon·nes petit·es soldat·es au ser­vice du pro­jet néo­li­bé­ral ? Dans un ouvrage au vitriol, Zineb Fah­si, diplô­mée en sciences poli­tiques et ensei­gnante de yoga, retrace l’histoire du yoga depuis les ori­gines et nous explique le pro­ces­sus de récu­pé­ra­tion poli­tique et éco­no­mique dont il a fait l’objet.

Pourquoi vous êtes-vous intéressée à l’histoire du yoga ? Et comment êtes-vous parvenue à en faire une lecture politique alors qu’il est aujourd’hui considéré comme une « simple » pratique bien-être ?

J’ai com­men­cé à pra­ti­quer le yoga un peu comme n’im­porte qui aujourd’­hui le pra­ti­que­rait dans sa dimen­sion très pos­tu­rale, très ath­lé­tique, pas par­ti­cu­liè­re­ment enga­gée. Je n’a­vais pas for­cé­ment conscience de tout le déco­rum qui pou­vait entou­rer la dis­ci­pline, notam­ment new age ou déve­lop­pe­ment per­son­nel. C’é­taient des milieux qui m’é­taient assez étran­gers et en com­men­çant à pra­ti­quer, j’ai réa­li­sé que les dis­cours autour de l’a­mé­lio­ra­tion de soi étaient omni­pré­sents et cela m’in­ter­ro­geait beau­coup. D’au­tant plus qu’ils étaient dif­fu­sés au nom de textes ances­traux. Ayant un bagage en sciences sociales, tout cela me sem­blait assez confus. J’étais aus­si inter­pel­lée par le fait que quand j’in­ter­ro­geais mes professeur·es, iels étaient inca­pables de me don­ner des infor­ma­tions sur l’his­toire du yoga. C’é­tait pour­tant des per­sonnes qui étaient très enga­gées dans leur pra­tique ou dans leur ensei­gne­ment, mais cela res­tait un impen­sé car le yoga reste sou­vent abor­dé incons­ciem­ment comme une reli­gion. J’ai donc eu besoin de contex­tua­li­ser tout ça.

Vous avez retracé la ligne du temps de l’évolution du yoga, depuis sa naissance au fin fond de l’Inde jusqu’à son avènement mondial durant la pandémie de Covid-19.

Il y avait cette idée non dis­cu­tée dans les cercles yogi d’un yoga por­teur de ses sagesses ances­trales qui nous vien­drait d’Inde, immuable depuis des mil­lé­naires et qui serait arri­vé direc­te­ment des grottes de l’Hi­ma­laya à nos stu­dios de fit­ness. Et c’est vrai que ça m’in­ter­ro­geait. J’ai fini par trou­ver un ouvrage, « L’es­prit du yoga », écrit par Ysé Tar­dan-Mas­que­lier qui est à la fois ensei­gnante de yoga et his­to­rienne des reli­gions. C’é­tait la pre­mière fois que je voyais un texte sur la dis­ci­pline qui le recon­tex­tua­li­sait d’un point de vue aca­dé­mique. J’ai par la suite sui­vi le diplôme uni­ver­si­taire qu’elle pro­pose sur ces thé­ma­tiques dans l’objectif de mieux com­prendre les dyna­miques en jeu.

En com­men­çant à me ren­sei­gner sur l’his­toire du yoga, j’ai réa­li­sé qu’à chaque étape de son his­toire, notam­ment occi­den­tale, le yoga a été ins­tru­men­ta­li­sé en fonc­tion des pro­blé­ma­tiques de l’époque. Forte de ce constat, j’ai dû remettre ma propre approche cri­tique en ques­tion : j’espérais cri­ti­quer le yoga contem­po­rain au nom d’un yoga pré­mo­derne por­teur de valeurs posi­tives, mais j’ai réa­li­sé que ce n’était pas au nom d’un yoga authen­tique que la cri­tique du yoga contem­po­rain devait être faite. Déjà parce que his­to­ri­que­ment ça n’a pas de sens et que c’est poten­tiel­le­ment extrê­me­ment conser­va­teur et rétro­grade. Selon moi, il faut assu­mer qu’une par­tie du yoga est aujourd’hui dif­fu­sée en Occi­dent par des per­sonnes non indiennes dans un sys­tème capi­ta­liste et qu’il véhi­cule des dis­cours pro­blé­ma­tiques. Et c’est au nom de valeurs contem­po­raines qu’il faut le cri­ti­quer et le repen­ser. Selon moi la ques­tion c’est de savoir com­ment on navigue à tra­vers ça pour ouvrir des espaces de résis­tance ou en marge. Parce qu’on sub­ver­tit comme on peut au sein même du sys­tème dans lequel on se trouve.

Pourriez-vous retracer les étapes de l’évolution de la pratique du yoga ? Que s’est-il passé pour qu’il se fasse dévoyer ainsi ?

Le yoga est for­mu­lé ini­tia­le­ment sur le sous-conti­nent indien au 3e siècle avant notre ère comme une méthode de libé­ra­tion du cycle des renais­sances. Mais déjà en Inde, avant l’ère moderne, il existe des yogis qui ne vont plus cher­cher à s’ex­traire du cycle des renais­sances mais à acqué­rir des super­pou­voirs sur la matière, à deve­nir des sortes de magi­ciens. Il y a donc déjà des « dis­si­dences » au sein même de l’his­toire indienne. Mais la grande refor­mu­la­tion qui va ini­tier les méta­mor­phoses du yoga jusqu’à sa forme actuelle la plus connue com­mence avec son expor­ta­tion du yoga vers l’Oc­ci­dent à la fin du 19e siècle. Elle se fait dans un contexte par­ti­cu­lier, celui de la colo­ni­sa­tion bri­tan­nique en Inde.

À ce moment-là, il va y avoir une renais­sance de ces sagesses indiennes par des mili­tants hin­dous qui luttent pour l’in­dé­pen­dance de l’Inde. Ils sou­haitent s’affirmer face aux colons en mon­trant que l’Inde dis­pose d’un creu­set de sagesses qui la rend légi­time à être indé­pen­dante, qu’elle n’est pas juste un pays domi­né mais qu’elle riva­lise voire sup­plante la puis­sance colo­ni­sa­trice en matière de spi­ri­tua­li­té et de sagesse. Vive­ka­nan­da, célèbre moine hin­dou, est consi­dé­ré comme la pre­mière per­sonne à avoir expor­té le yoga et l’hindouisme en dehors du sous-conti­nent indien de façon volon­taire et mis­sion­naire. Il enseigne un yoga et un hin­douisme refor­mu­lés à l’aune de diverses influences euro­péennes et indiennes à un public d’Européen·nes en quête de nou­velles formes de reli­gio­si­té. Ces dernier·es sont assez cri­tiques de la moder­ni­té qu’iels vont juger comme étant alié­nante, ration­nelle, froide. Vive­ka­nan­da leur pro­pose un yoga uni­ver­sa­liste, ouvert à toustes, là où à l’é­poque en Inde, il s’agissait d’une pra­tique exclu­si­ve­ment des­ti­née à des initié·es ou à cer­taines caté­go­ries socio-reli­gieuses. Son yoga est « psy­cho­lo­gi­sé » et sa pra­tique est pré­sen­tée comme une méthode de déve­lop­pe­ment per­son­nel, per­met­tant d’améliorer son exis­tence dans ce monde.

Un peu plus tard, dès les années 1910, cer­tains mili­tants hin­dous pour l’indépendance vont récu­pé­rer un autre cou­rant du yoga jusqu’alors déva­lo­ri­sé, le hatha yoga. Récu­pé­rant les fameuses pos­tures de yoga en les débar­ras­sant de leurs atours éso­té­riques, ils réha­bi­litent le hatha yoga pour for­ger des corps sains de citoyen·nes sain·es et fort·es pour construire une Inde qui soit puis­sante et auto­nome. On voit aus­si que ce sont des visions par­ti­cu­lières qui pré­do­minent à l’époque, très natio­na­listes, et que le sport (le yoga est assi­mi­lé à un sport à cette époque-là en Inde) est un moyen de légi­ti­mer l’auto-gouvernement, mais sur des bases très eugé­nistes d’une cer­taine manière. Le yoga acquiert alors une dimen­sion très pos­tu­rale et se trans­forme pour deve­nir une pra­tique d’a­mé­lio­ra­tion de soi au ser­vice de quelque chose, qu’il s’agisse de l’épanouissement dans ce monde ou de la cause natio­na­liste. On voit donc que c’est déjà très poli­tique à l’époque.

Il y a ensuite une seconde vague de mon­dia­li­sa­tion dans les années 1960 – 70. Cette vague, plus large, émerge notam­ment en Cali­for­nie, au sein d’une géné­ra­tion cri­tique à l’é­gard de la moder­ni­té, comme à la fin du 19e siècle. Et comme à la fin du 19e siècle, dans un élan orien­ta­liste, les Européen·nes cri­tiques de la moder­ni­té vont regar­der ailleurs pour espé­rer trou­ver un modèle alter­na­tif. L’Inde et ses « sagesses » vont de nou­veau consti­tuer un remède fan­tas­mé aux maux de la moder­ni­té. Au sein de cette géné­ra­tion contre-cultu­relle, certain·es se mobi­lisent au sein de luttes sociales, pour les droits civiques, les luttes fémi­nistes, éco­lo­gistes, anti­mi­li­ta­ristes, etc. Une autre par­tie met davan­tage en avant la dimen­sion alié­nante de la moder­ni­té au niveau indi­vi­duel, en tant qu’elle brime l’expression de soi, la créa­ti­vi­té, en impo­sant des normes oppres­santes. C’est un second moment de bas­cule. Dans ce creu­set dit de la « cri­tique artiste » vont notam­ment émer­ger les mou­ve­ments new age et l’idée que si on veut trans­for­mer le monde, c’est soi qu’il faut chan­ger avant tout.

Cette idée de révo­lu­tion inté­rieure qui per­met une trans­for­ma­tion du monde s’articule autour d’une pro­phé­tie propre au new age, celle de l’avènement d’une nou­velle ère cos­mique faite de paix et d’harmonie pour l’humanité. Elle est fon­dée plu­tôt sur des prin­cipes spi­ri­tuels et éso­té­riques que sur des ques­tions poli­tiques et sociales. On peut ana­ly­ser l’émergence de ces mou­ve­ments new age comme le fruit d’une cer­taine dés­illu­sion poli­tique, avec l’idée que par­tout on retrouve au final les mêmes guerres d’ego, les mêmes guerres indi­vi­duelles de pou­voir. Cette cri­tique artiste et les pra­tiques d’exploration de soi qui sont expé­ri­men­tées dans les milieux new age sont ensuite récu­pé­rées par une autre uto­pie cali­for­nienne, celle de la Sili­con Val­ley, héri­tière de la contre-culture. Cet ethos du renou­vel­le­ment de soi, de la trans­for­ma­tion de soi comme moyen de trans­for­mer le monde est mis au cœur du mana­ge­ment des entre­prises de la tech et des pra­tiques d’ex­plo­ra­tion de soi comme le yoga deviennent alors au ser­vice du capi­ta­lisme post-industriel.

Mais nous aurions pu en rester au stade de l’épanouissement personnel… comment en est-on venu à cette récupération par le capitalisme ?

Je pense qu’en deve­nant un bien de consom­ma­tion, le yoga a été cou­pé de sa dimen­sion sub­ver­sive. C’est d’ailleurs un phé­no­mène plus large qu’on constate aujourd’­hui au sein des milieux dits « spi­ri­tuels » et au niveau du new age au sens large. Le new age est cri­ti­quable à plein d’é­gards, en terme d’ap­pro­pria­tion cultu­relle, de mar­chan­di­sa­tion, de consu­mé­risme. Il pioche des pra­tiques à droite à gauche, en géné­ral dans des pays non-occi­den­taux, avec un regard très exo­ti­ci­sant. Mais il a pu aus­si être por­teur à un moment don­né d’une mytho­lo­gie en par­tie posi­tive. Il y plein de choses dans les­quelles je me recon­nais dans le new age : la célé­bra­tion de la nature, la quête d’alternatives au capi­ta­lisme ou la cri­tique de la ratio­na­li­té pure comme seul moyen d’appréhender le monde. Sauf que la vision por­tée par le new age est dépo­li­ti­sante (et sou­vent essen­tia­li­sante voire fas­ci­sante) car elle fait repo­ser la trans­for­ma­tion sur l’in­di­vi­du et, en cela, elle neu­tra­lise la poten­tielle dimen­sion sub­ver­sive de ces pra­tiques en omet­tant toute ana­lyse structurelle.

Le paroxysme de cette dépo­li­ti­sa­tion, c’est évi­dem­ment l’introduction de pra­tiques issues du new age en entre­prise. Dans ces cas pré­cis, elles sont clai­re­ment ins­tru­men­ta­li­sées pour renou­ve­ler l’éner­gie des employé·es, comme si c’é­tait des bat­te­ries éter­nel­le­ment rechar­geables. Elles sont éga­le­ment mises au pro­fit d’in­dus­tries qui sont en géné­ral pol­luantes, avec de ter­ribles impacts sur la pla­nète et sur les gens. Cela per­met com­mo­dé­ment de ne pas remettre en ques­tion l’or­ga­ni­sa­tion du travail.

Mais cette logique d’individualisation se retrouve aus­si dans les milieux alter­na­tifs. Ce que j’observe dans cer­tains milieux de yoga, c’est que la cri­tique de la socié­té de consom­ma­tion et du sys­tème poli­tique dans lequel on vit est sou­vent pré­sente, mais qu’elle n’est presque jamais for­mu­lée en termes struc­tu­rels. Il y a eu une grande phase de dépo­li­ti­sa­tion, un gros back­lash [retour de bâton NDLR] dans les années 1980, avec l’avènement de l’idéologie néolibérale.

À ce titre le sec­teur de l’édition est un exemple frap­pant, avec le suc­cès des livres de déve­lop­pe­ment per­son­nel qui sup­plante les livres poli­tiques, habi­tuel­le­ment en tête des ventes. À chaque crise, c’est l’industrie du bien-être et du déve­lop­pe­ment per­son­nel qui s’é­pa­nouit. Je pense que c’est assez révé­la­teur de cette psy­cho­lo­gi­sa­tion de ques­tions qui sont poli­tiques. Le néo­li­bé­ra­lisme pousse à for­mu­ler les pro­blèmes en des termes indi­vi­duels et donc à recher­cher des solu­tions indi­vi­duelles. Je pense aus­si que le new age s’est démo­cra­ti­sé de façon très dis­crète mais très pré­gnante jus­te­ment en rai­son de la récu­pé­ra­tion de l’e­thos de la contre-culture par la Sili­con Val­ley, qui a décré­té que c’était cool de jouer au baby­foot au tra­vail, de faire yoga au bou­lot et de man­ger des légumes bio, car cela favo­rise l’engagement corps et âme des sala­riés à la réa­li­sa­tion des objec­tifs de l’entreprise. La quête ini­tia­le­ment sub­ver­sive d’au­then­ti­ci­té des six­ties a été récu­pé­rée et mar­chan­di­sée par les entre­prises au ser­vice du capi­ta­lisme néolibéral.

J’ai l’impression que les injonctions écocitoyennes qui nous enjoignent à prendre soin de l’environnement ressemblent très fort à ces impératifs du « prenez soin de vous pour faire fonctionner nos entreprises et notre monde capitaliste ».

Oui, com­plè­te­ment, je pense que ça par­ti­cipe exac­te­ment d’un même élan qui est celui de l’a­vè­ne­ment de l’i­déo­lo­gie néo­li­bé­rale dans les années 1980 où on va dépo­li­ti­ser tous les débats en fai­sant comme si nous étions toustes des indi­vi­dus ato­mi­sés et égaux face aux enjeux envi­ron­ne­men­taux, sociaux, etc. Il s’appuie entre autre sur ce mythe éco­no­mique de l’in­di­vi­du ration­nel qui pour­rait faire ses choix de façon tota­le­ment libre et infor­mée et qui pour­rait expri­mer ses choix et ses pré­fé­rences à tra­vers le mar­ché. On réduit la ques­tion éco­lo­gique à une his­toire de choix indi­vi­duels de com­por­te­ments et de consom­ma­tion : si on veut être de bon·nes citoyen·nes, agir de façon juste et éthique, sau­ver la pla­nète, on a la pos­si­bi­li­té d’a­che­ter équi­table, bio et local, de fer­mer le robi­net quand on se brosse les dents, de trier nos déchets…

Or, on sait que les chan­ge­ments de com­por­te­ments indi­vi­duels sont mal­heu­reu­se­ment insuf­fi­sants pour lut­ter contre la catas­trophe éco­lo­gique. Et cela occulte le fait que tout le monde ne pol­lue pas de la même manière, et que tout le monde n’a pas les mêmes pos­si­bi­li­tés finan­cières ou maté­rielles de trans­for­mer ses com­por­te­ments et sa consom­ma­tion. C’est pareil pour le soin de soi. On va nous dire que si on n’arrive pas à être heureux·se, qu’on est en burn-out et qu’on est fatigué·e, c’est sans doute parce qu’on n’a pas assez médi­té, pas assez pris soin de nous. C’est très pater­na­liste, condes­cen­dant et éli­tiste, car cela obli­tère le fait que tout le monde ne peut mal­heu­reu­se­ment pas consom­mer bio ou s’offrir un cours de yoga.

Comment pourrions-nous nous réapproprier tout ça pour le repolitiser pour les luttes ?

J’es­pé­rais déve­lop­per davan­tage cette ques­tion dans mon der­nier cha­pitre, mais je n’ai pas pu pour diverses rai­sons maté­rielles ! J’avais néan­moins envie d’évoquer ce qui se fai­sait déjà à ma connais­sance, et d’esquisser des pistes car il y a beau­coup de choses pas­sion­nantes à creu­ser. Je constate que beau­coup de gens qui pra­tiquent le yoga sont sen­sibles aux dis­cours autour des ques­tions d’interdépendance des êtres vivants, de ralen­tis­se­ment, de sobrié­té, que le yoga peut invi­ter à expé­ri­men­ter dans sa chair. Pour beau­coup de gens, pra­ti­quer le yoga, c’est aus­si une façon de se mettre en dehors du rythme effré­né de la vie. C’est une bulle, un temps limi­té mais qui per­met de faire émer­ger de nou­veaux ima­gi­naires, de tis­ser des mondes en dehors du pro­duc­ti­visme, en dehors de l’af­fai­re­ment, en dehors de l’a­gi­ta­tion, de la per­for­mance et de la compétition.

Le yoga est aus­si un moyen for­mi­dable de créer un rap­port très sym­bo­lique et poé­tique au corps. C’est une pra­tique qui passe par la visua­li­sa­tion, par le souffle et qui per­met de plein de manières incroyables de créer de nou­veaux rap­ports au corps en marge de consi­dé­ra­tions par exemple esthé­tiques. C’est une pra­tique extrê­me­ment fer­tile qui passe notam­ment par le corps, qui est un lieu qui peut tout aus­si bien être un lieu de repro­duc­tion de l’ordre social, comme un lieu d’émancipation et de résis­tance à celui-ci.

Le Yoga, nouvel esprit du capitalisme
Zineb Fahsi
Textuel, 2023

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