Évaluer l’évaluation : c’est l’avenir !

Par Jean-François Pontegnie

 Illustration : Vanya Michel

On l’entend, à l’école, ça pro­teste : on va éva­luer les profs ! Ce qui coince c’est que le pro­ces­sus serait « som­ma­tif » : il ouvri­rait à des sanc­tions. Déci­dé­ment, l’univers sco­laire reste bien loin de la vraie vie, celle des entre­prises, où l’évaluation c’est du sérieux. Par exemple, moi j’adore « l’évaluation à 360 degrés » lors de laquelle sont recueillies des infor­ma­tions sur les per­for­mances d’un employé auprès de toutes les per­sonnes avec qui il est ou a été en contact. Toutes sont invi­tées à don­ner leur avis sur sa per­for­mance, son éthique de tra­vail, son com­por­te­ment, tout ça. Voi­là de la belle ouvrage ! N’écoutez pas les médi­sants qui parlent de déla­tion : pas plus que les profs, ils n’ont com­pris que l’évaluation s’inscrit plei­ne­ment dans les pra­tiques mana­gé­riales modernes et que com­pé­ti­ti­vi­té et crois­sance ne tombent pas du ciel ! D’ailleurs, l’évaluation est deve­nue une culture.

Ain­si s’est-on pro­fon­dé­ment réjoui de voir appa­raitre les « nutri-scores ». Qui ne sortent pas de nulle part, c’est construit scien-ti-fi-que-ment par l’UE. À laquelle, il est appa­ru que les consom­ma­teurs appré­cient beau­coup les sys­tèmes FOPNL, car ils sont plus visibles et plus faciles à com­prendre. FOP-machin, là, ça veut dire : « Éti­que­tage nutri­tion­nel sur le devant de l’emballage ». Au terme de tra­vaux her­cu­léens, l’Europe a conclu que les cou­leurs sont un outil idéal car elles per­mettent de sai­sir le score d’un coup d’œil, sans for­cer le lec­teur aux pro­ces­sus men­taux néces­saires — dont le fait de retour­ner la boîte pour se retrou­ver confron­té à toute une série de « E » sui­vis de chiffres aux­quels on ne com­prend rien du tout, mais que si c’est dans le paquet c’est que ça peut pas être mau­vais. Foin de ces indi­ca­tions mono­chromes — l’UE sait qu’elle n’est pas peu­plée que de génies. Bon alors, pour bien bec­ter c’est simple, rouge c’est pas bien, orange plu­tôt moyen, vert, c’est nickel (en fait, y’a 5 cou­leurs, mais ne com­pli­quons pas).

On entend mau­gréer les habi­tuels ron­chons : c’est même pas obli­ga­toire, com­ment que c’est véri­fié tout ça, etc. Et les plus gro­gnons se plaignent du sur­em­bal­lage et des tonnes de plas­tique néces­saires pour les col­ler, les éti­quettes. Mais va‑t’en la col­ler sur un topi­nam­bour soli­taire ton éti­quette, hé banane ! Cer­tains élé­ments ne sont pas inclus, râle-t-on encore : les addi­tifs (colo­rants, conser­va­teurs, émul­si­fiants, exhaus­teurs de goût, édul­co­rants…, ce sont les « E » sus­men­tion­nés), les pes­ti­cides, les anti­bio­tiques. Mais faut savoir ce qu’on veut : cre­ver de faim ou ingur­gi­ter avec le reste quelques traces de trucs, d’ailleurs auto­ri­sés ? Et puis, sans les addi­tifs, je te raconte pas : c’est immangeable.

Pour démon­trer qu’on est sur la bonne voie, on va finir avec l’indice PEB – là, pour le coup c’est obli­ga­toire. Mesu­rer la Per­for­mance Éner­gé­tique des Bâti­ments, ça c’est la bonne idée ! Même si c’est un peu com­pli­qué parce que les lettres vont de A++ à G : 9 scores pour les bâti­ments exis­tants, ça sim­pli­fie pas la vie. Mais au moins, les pauvres savent qu’en louant une mai­son avec un PEB genre F ou G ils vont se geler les miches pen­dant l’hiver – ou se taper des fac­tures de chauf­fage pas pos­sibles. Sacrés pauvres : tou­jours à se gou­rer dans leurs choix ration­nels… Et après on s’étonne.

Puis, comme tou­jours (ça devient fati­gant), il y a les petits malins qui cri­tiquent. La RTBF (mais c’est le ser­vice public bon sang, mais qu’on les calme ceux-là !) a démon­tré que, selon les cer­ti­fi­ca­teurs, l’évaluation pou­vait varier d’environ 40 % pour un même loge­ment. Et alors ? Rome ne s’est pas faite en un jour, non plus. Comme le dit un ministre char­gé de l’affaire, il faut inves­tir dans la for­ma­tion, les logi­ciels et les contrôles pour mini­mi­ser ces légers désagréments.

Bref, c’est en éva­luant les éva­lua­teurs qu’on y arri­ve­ra. Haut les cœurs : lui au moins, il a compris !

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