Le DSM, un désastre médical et humain

Illustration : Vanya Michel

Le DSM, le Manuel Diag­nos­tique et Sta­tis­tique des Troubles Men­taux, a acquis le sta­tut de « bible de la psy­chia­trie ». Sta­tut que jus­ti­fie­rait son carac­tère « scien­ti­fique ». Nous nous employons ici à démon­trer, d’une part, que si le DSM est phi­lo­so­phi­que­ment scien­tiste, cela n’en fait pas un ins­tru­ment scien­ti­fique pour autant. Loin de là… Et d’autre part, qu’en iso­lant les « com­por­te­ments » sur base de cri­tères dif­fé­ren­tiels, le DSM opère un décou­page dans la réa­li­té psy­chique des sujets qui se trouvent ain­si seg­men­tés. On assis­te­rait même comme l’avance Miguel Ben­sayag à la ten­ta­tive de fabrique d’un homme nou­veau, adap­té au néo­li­bé­ra­lisme. Et si pas, réédu­qué à coups de trai­te­ments médi­ca­men­teux fort rémunérateurs.

Le Manuel Diag­nos­tique et Sta­tis­tique des Troubles Men­tauxDSM de son acro­nyme anglais – est un ouvrage « noso­gra­phique » d’origine éta­su­nienne. La noso­lo­gie est défi­nie comme « la par­tie de la méde­cine qui étu­die les cri­tères qui servent à défi­nir les mala­dies afin d’é­ta­blir une clas­si­fi­ca­tion ». Le DSM traite, lui, spé­ci­fi­que­ment des « troubles men­taux ». Il s’agit d’une somme puisque le DSM‑5 (chaque édi­tion se voit dotée d’un chiffre, nous en sommes à la 5e), publié en 2015, ne compte pas moins de 1275 pages pour sa ver­sion fran­çaise. La sec­tion II, qui en consti­tue l’essentiel, regroupe les « cri­tères diag­nos­tiques » qui per­mettent de défi­nir 23 caté­go­ries de troubles. Ces troubles géné­riques sont ensuite sub­di­vi­sés en « troubles men­taux » pro­pre­ment dits. Par exemple, sur base de l’analyse des dif­fé­rences que pré­sentent les cri­tères rete­nus pour un trouble avec les cri­tères rete­nus pour tous les autres de la même caté­go­rie, le DSM‑5 dis­tingue 11 troubles men­taux dans la classe géné­rale des « troubles anxieux ». Sur cette base, le DSM‑5 réper­to­rie près de 400 troubles men­taux (là où le DSM‑I, lui, n’en recen­sait que 100, on note en effet une infla­tion de troubles men­taux à chaque édition).

Un outil de « spécialiste » qui nous concerne tous·tes

Le DSM se dit être « un outil pour les cli­ni­ciens, une res­source édu­ca­tive essen­tielle pour les étu­diants et les pra­ti­ciens, et une réfé­rence pour les cher­cheurs dans le domaine de la san­té men­tale ». En quoi, dès lors, nous, citoyens et citoyennes européen·nes, pour­rions-nous bien être concerné·es par cet opus étasunien ?

C’est que d’une part, pré­tend-il, l’information qu’il four­nit est « utile à tous les pro­fes­sion­nels asso­ciés aux divers aspects des soins dans la san­té men­tale incluant les psy­chiatres, les méde­cins d’autres spé­cia­li­tés, les psy­cho­logues, les tra­vailleurs sociaux, les infirmier(ère)s, les spé­cia­listes en méde­cine légale et juri­dique, les ergo­thé­ra­peutes et thé­ra­peutes en centres de réadap­ta­tion, et d’autres pro­fes­sion­nels de la san­té ». Ce qui élar­git consi­dé­ra­ble­ment le champ des agents, des patient·es et de leurs proches concerné·es.

C’est que, d’autre part, son uti­li­sa­tion est mas­sive : « Une enquête réa­li­sée en 2010 par l’OMS et por­tant sur près de 5.000 psy­chiatres dans 44 pays a mon­tré que 83 % d’entre eux uti­lisent régu­liè­re­ment [le DSM]. »

Or – et c’est ce qui nous inté­resse sur­tout ici – en amont, la logique ou, si l’on veut la phi­lo­so­phie, sous-jacente à la noso­lo­gie, ne va pas sans poser ques­tions et que, en aval, les diverses consé­quences de l’adoption de cette approche dis­cu­table sont à souligner.

Le scientisme, philosophie sous-jacente au DSM

Le DSM est une ini­tia­tive de l’APA (Ame­ri­can Psy­chia­tric Asso­cia­tion) : les 20 membres de son conseil d’administration sont nom­més en début d’ouvrage tan­dis que les 1860 col­la­bo­ra­teurs, issus de milieux aca­dé­miques et hos­pi­ta­liers, sont eux cré­di­tés à la fin. Cette hié­rar­chie est loin d’être ano­dine puisque l’APA et, en consé­quence, l’ensemble des contri­bu­teurs aux­quels elle recourt, est fon­da­men­ta­le­ment consti­tué des tenants de la psy­cho­lo­gie com­por­te­men­ta­liste (ou béha­vio­riste).

Le com­por­te­men­ta­lisme pose que « si la psy­cho­lo­gie veut être per­çue comme une science natu­relle, elle doit faire des com­por­te­ments son sujet d’é­tude et non pas les états men­taux ». Ces pro­pos de J. B. Wat­son, l’un des fon­da­teurs amé­ri­cains du béha­vio­risme, ont le mérite de la clar­té : dans une optique scien­tiste, seuls comptent les com­por­te­ments obser­vables et mesu­rables. Foin donc de l’introspection et de la conscience (soit, au pas­sage, de tous les cou­rants psychanalytiques).

En outre, le béha­vio­risme « consi­dère [qu’]un com­por­te­ment inadap­té (par exemple une phobie)[est] la résul­tante d’ap­pren­tis­sages liés à des expé­riences anté­rieures […] puis main­te­nue par les contin­gences de l’en­vi­ron­ne­ment ». Et qu’en consé­quence « la thé­ra­pie vise­ra donc, par un nou­vel appren­tis­sage, à rem­pla­cer le com­por­te­ment inadap­té par un com­por­te­ment plus adap­té cor­res­pon­dant à ce que sou­haite le patient ». En somme, le com­por­te­men­ta­lisme rééduque le patient pour l’adapter.

Même si aujourd’hui le béha­vio­risme est peu à peu rem­pla­cé par le neu­ro-cog­ni­ti­visme, les fon­da­men­taux scien­tistes res­tent les mêmes. Ain­si, selon l’Ins­ti­tute of Neu­ro­Cog­ni­ti­vism belge, l’approche neu­ro­cog­ni­tive et com­por­te­men­tale (ANC) est « le résul­tat d’une démarche scien­ti­fique trans­dis­ci­pli­naire, qui réa­lise la syn­thèse entre les sciences de la psy­cho­lo­gie cog­ni­tive, les sciences cli­niques de thé­ra­pie com­por­te­men­tale et les neu­ros­ciences. C’est une démarche cog­ni­ti­viste et com­por­te­men­ta­liste » (nous sou­li­gnons).

La scientificité du DSM : une imposture

La scien­ti­fi­ci­té du DSM béha­vio­riste se base sur le prin­cipe de la fia­bi­li­té et la vali­di­té : « Concer­nant les mala­dies, une clas­si­fi­ca­tion est consi­dé­rée comme fiable si des méde­cins dis­tincts portent le même diag­nos­tic concer­nant un même patient et valide si elle per­met de dis­tin­guer chaque mala­die de toutes les autres et de la nor­ma­li­té. »

Or, le psy­cha­na­lyste Jean-Fran­çois Cou­du­rier rend bien compte des pro­blèmes que pose cette défi­ni­tion. D’abord, de façon géné­rale, la fia­bi­li­té est une aber­ra­tion épis­té­mo­lo­gique « qui vou­drait que la terre soit plate puisque la concor­dance des opi­nions sur ce sujet fut totale pen­dant des siècles » : en aucun cas être le nombre d’avis concor­dants ne per­met d’accéder à une « véri­té » scientifique.

Ensuite, le choix de la fia­bi­li­té comme cri­tère scien­ti­fique car­di­nal des DSM a pour consé­quence que, de façon assez ahu­ris­sante, sont évi­tées deux ques­tions pour­tant fon­da­men­tales. Cou­du­rier pour­suit : pre­miè­re­ment le DSM ne pro­pose aucune « défi­ni­tion de base du trouble men­tal » ; c’est le « consen­sus » obte­nu grâce à divers for­çages (voir point para­graphe sui­vant) qui fait foi ! Deuxiè­me­ment, on ne trouve dans le DSM aucune « défi­ni­tion concep­tuelle géné­rale de la limite entre nor­mal et patho­lo­gique » !

His­to­ri­que­ment par­lant, « l’incroyable pro­mo­tion au rang de concept clé du pro­blème de la fia­bi­li­té » est née d’injonctions fort peu scien­ti­fiques. La pre­mière est d’ordre admi­nis­tra­tif et finan­cier : « les com­pa­gnies d’assurances (pri­vées aux États-Unis) consta­tant des varia­tions consi­dé­rables sur les diag­nos­tics et les trai­te­ments qu’elles avaient à rem­bour­ser, vou­lurent y mettre bon ordre » et que soit mise à la dis­po­si­tion de l’administration une noso­lo­gie uni­fi­ca­trice : fiable donc. La consé­quence en a été de « fabu­leux for­çages néces­saires à l’obtention d’un consen­sus appe­lé fia­bi­li­té ». Ain­si, entre 1968 et 1993, « la psy­chia­trie amé­ri­caine a connu quatre noso­lo­gies […]. À chaque chan­ge­ment, on a assis­té à la dis­pa­ri­tion de cer­tains diag­nos­tics, les deux plus notables étant ceux de névrose et d’homosexualité ; d’autres ont fait leur appa­ri­tion et la plu­part de ceux qui se sont main­te­nus ont été redé­fi­nis au point sou­vent d’être mécon­nais­sables ». Ain­si, outre les pres­sions admi­nis­tra­tives, les débats socié­taux ont donc, par exemple et grâce à la pres­sion des mou­ve­ments gays, conduit à la sor­tie de l’homosexualité des troubles men­taux. Il ne faut pas non plus sous-esti­mer le rôle de la très puis­sante armée amé­ri­caine qui « après la Deuxième Guerre mon­diale […] a conçu une nou­velle clas­si­fi­ca­tion des troubles de san­té men­tale dans le but d’inclure les troubles psy­chia­triques des mili­taires et vété­rans ».

Tout ceci, pour dire le moins, « fait por­ter un très sérieux doute sur le carac­tère fac­tuel de ce qui y a été rete­nu comme symp­tôme […] : les « don­nées empi­riques » ne résistent pas long­temps aux don­nées poli­tiques ».

Quant aux pré­ten­tions plus récentes des « neu­ros­ciences », S. E. Hyman, célèbre psy­chiatre amé­ri­cain, affirme que si « la neu­ro­bio­lo­gie a fait de réels pro­grès, [elle] n’a pas encore atteint un niveau qui lui per­met­trait de contri­buer uti­le­ment à la défi­ni­tion des dif­fé­rentes patho­lo­gies : ‘‘Ceci reflète notre igno­rance concer­nant les troubles men­taux’’ », conclut-il. Dont acte.

Fina­le­ment, la « vali­di­té » du DSM est entiè­re­ment dépen­dante de la fia­bi­li­té : un trouble doit recueillir le consen­sus (fia­bi­li­té) pour être valide, pour exis­ter en tant que dif­fé­rent à la fois des autres et de la nor­ma­li­té. Or, pré­cisent Di Vit­to­rio et al., cité par Cou­du­rier : « La vali­di­té du DSM est faible […], la plu­part des patients souffrent d’une com­bi­nai­son variable de plu­sieurs troubles psy­chia­triques […]. Ce constat sug­gère que des com­bi­nai­sons de patho­lo­gies défi­nies comme dis­tinctes par le DSM (par exemple l’anxiété et la dépres­sion) pour­raient fort bien être consi­dé­rées comme une seule patho­lo­gie. »

Ce constat nous ren­voie au pro­pos du phi­lo­sophe Steeves Dema­zeux : « Les DSM se pré­tendent a‑théoriques vou­lant se construire sur des ‘‘faits’’ sans se don­ner la peine de faire ce tra­vail d’épistémologie mini­male qui per­met de consta­ter qu’un ‘‘com­por­te­ment’’ n’est pas un ‘‘fait’’, pas un ‘‘don­né’’ mais résulte d’un décou­page impli­cite, inaper­çu et dénié par les auteurs. » Décou­page qui passe, par exemple, par le décou­plage – for­cé comme le dit J.-F. Cou­du­rier – de l’anxiété et de la dépression.

On aura com­pris que le com­por­te­men­ta­lisme opère par pré­lè­ve­ment de « com­por­te­ments » au sein du conti­nuum qu’est une vie humaine dans toutes ses dimen­sions. Puisque le DSM se veut « a‑théorique », qu’en d’autres termes il se pré­tend « pure­ment » scien­ti­fique, il ne peut qu’éviter (dénier) la ques­tion de savoir si un « com­por­te­ment » est un fait scien­ti­fi­que­ment obser­vable puisque, de toute évi­dence, la réponse est non. Il ne peut du reste pas non plus s’attaquer à la fron­tière de la « nor­ma­li­té », ni même au concept de trouble men­tal. On le constate : il y a loin de la science au DSM.

Le déni de la structure et de la souffrance psychique

Puisque c’est le psy­chiatre qui « regarde » et « pro­duit un décou­page, dans ce qui fait symp­tôme, [décou­page] qui doit tout au regard de l’autre », l’approche n’est plus basée sur « la souf­france psy­chique », « [sur] la posi­tion psy­chique d’un sujet à l’égard d’un objet, mais [sur] l’objet1 même ». Consi­dé­ra­tion qui pour­rait paraitre quelque peu obs­cure, mais qui s’éclaire par­fai­te­ment de l’exemple sui­vant : « le « vol par effrac­tion dans une mai­son appar­te­nant à autrui appar­tient au cri­tère A10, tan­dis que le « vol d’objets d’une cer­taine valeur » appar­tient au cri­tère A12. C’est donc bien l’objet atteint qui défi­nit le symp­tôme, pas l’attitude psy­chique du sujet à l’égard de l’objet »2 (nous soulignons).

On évoque ici le pro­blème que pose le DSM qui se fixe sur des objets concrets et passe com­plè­te­ment à côté de la ques­tion de la souf­france psy­chique – et de son ori­gine – qui amène la per­sonne à tel ou tel com­por­te­ment, qui est lui-même insé­ré dans une struc­ture psy­chique en souf­france.

Un homme sans sens ?

D’après le neu­ro­cog­ni­ti­visme, « le cer­veau et les réseaux neu­ro­naux struc­turent notre manière d’appréhender le monde ». Or, écrit Miguel Ben­sayag avec Angé­lique Del Rey : « Le pro­blème est que, si tout est méca­ni­que­ment déter­mi­né [ici : par les réseaux neu­ro­naux], tout est mou­ve­ment, rien n’est acte et rien n’a de sens. » Car, pour­suit-il, « l’acte est ce qui relève d’un sens plu­tôt que d’un mou­ve­ment méca­nique. C’est pour­quoi, fina­le­ment, le grief prin­ci­pal que l’on pour­rait faire à l’ensemble des thé­ra­pies cog­ni­ti­vistes ou com­por­te­men­ta­listes est celui d’éliminer le sens»

En pri­vant l’humain de sa pos­si­bi­li­té de poser des actes, de don­ner du sens, pour ne le réduire qu’à une somme de mou­ve­ments (com­po­sant des com­por­te­ments), le DSM et plus lar­ge­ment tout le cou­rant béha­vio­riste fabriquent ce que M. Bena­sayag nomme « l’homme modu­laire » : soit « le nou­veau dis­po­si­tif humain qui ne se pense ni ne se struc­ture comme un tout orga­nique, mais comme un agré­gat ». Ce qui ren­voie au décou­page opé­ré par le DSM où le trouble n’est plus qu’un agré­gat de cri­tères… et se soigne indé­pen­dam­ment d’une struc­ture psy­chique déniée. Agré­gat du reste par­fai­te­ment adap­té au monde du tra­vail néo­li­bé­ral. L’ANC, selon ses pro­mo­teurs, « per­met à la per­sonne de deve­nir l’acteur de sa propre vie, de déployer ses com­pé­tences et son poten­tiel ». On croi­rait lire une publi­ci­té pour une agence de pla­ce­ment d’intérimaires ! Et c’est bien de ça qu’il s’agit : déployer ses com­pé­tences, c’est agir sur une com­po­sante de la per­sonne, celle qui convient au « monde du tra­vail », sans trop se sou­cier de qui elle est, comme un tout orga­ni­que­ment lié. Voi­là ce qui per­met à J.-F. Cou­du­rier d’écrire que le DSM « repré­sente [le] triomphe, […] de l’idéologie libé­rale et capi­ta­liste, cer­tai­ne­ment pas de la science ».

Une bonne affaire !

On ne man­que­ra pas enfin de sou­li­gner que le DSM entre en par­faite réso­nance avec l’industrie phar­ma­ceu­tique : le recours aux trai­te­ments médi­ca­men­teux (scien­ti­fiques, for­cé­ment scien­ti­fiques) y trouve toute sa jus­ti­fi­ca­tion. Laquelle ne doit pas grand-chose au hasard : « Une étude a révé­lé en 2012 que 70 % des experts impli­qués dans le DSM‑5 avaient entre­te­nu au cours de leur car­rière récente des liens finan­ciers » avec l’industrie phar­ma­ceu­tique. Ain­si, « Comme l’a recon­nu le psy­chiatre Allen Frances, alors à la tête du pro­ces­sus de révi­sion du DSM-5, [qu’]une « fausse » épi­dé­mie a de toute évi­dence été construite autour de l’é­ti­quette de trouble bipo­laire chez l’en­fant autour des années 2000, dont les labo­ra­toires phar­ma­ceu­tiques et cer­tains cher­cheurs ont été en grande par­tie res­pon­sables. On ne sau­rait expli­quer autre­ment une mul­ti­pli­ca­tion par qua­rante du nombre d’en­fants atteints de troubles bipo­laires en l’es­pace de quinze ans. » Enfants bien enten­du médiqués…

La logique éco­no­mique est simple : la mul­ti­pli­ca­tion des troubles réper­to­riés – ain­si que le lob­bying et le bat­tage média­tique qui l’accompagne – entraine celle de l’administration de médi­ca­ments. On se conten­te­ra de signa­ler pour l’exemple que « le mar­ché des neu­ro­lep­tiques pèse 16 mil­liards de dol­lars par an aux États-Unis, celui des anti­dé­pres­seurs 11 mil­liards » (chiffres de 2013).

Cela étant, il ne s’agit pas non plus de crier au com­plot. Steeves Dema­zeux sou­ligne en effet qu’« Il faut aus­si prendre en compte toute la culture liée à la pres­crip­tion des médi­ca­ments, leur ins­crip­tion sym­bo­lique dans la socié­té et la manière dont on les charge de sou­la­ger la souf­france psy­chique. »

Voi­là qui ouvre tout un chan­tier de réflexion anthro­po­lo­gique en ce qu’il s’agirait de repen­ser le patient comme tout plu­tôt que comme un assem­blage de modules. Sur le plan sani­taire, il s’agirait de repen­ser l’ensemble de la poli­tique de la san­té men­tale, en tra­vaillant au plus près de la parole des patients et de recon­ce­voir la « nor­ma­li­té » en dehors des cri­tères nor­ma­tifs du DSM basés sur des com­por­te­ments arbi­trai­re­ment décou­pés dans leur réalité.

Tout un tra­vail qui ne peut se pas­ser d’une pro­fonde remise en cause des valeurs que pro­meut l’individualisme néo­li­bé­ral – la com­pé­ti­tion, la réus­site, le déve­lop­pe­ment des com­pé­tences, voire le recours mas­sif aux tech­no­lo­gies à visée trans­hu­ma­niste, etc. – et qui conduisent de fait à ce que le DSM qua­li­fie sans autre forme de pro­cès de « conduites inadap­tées », là où l’on pré­fè­re­rait par­ler de résistances…

  1. « En psy­cha­na­lyse, l’ob­jet désigne ce qui est visé par l’in­di­vi­du dans la pul­sion, dans l’a­mour, dans le désir. » Mais, il faut rete­nir que cet « objet » n’est pas concret, pas « une chose de ce monde » dit Lacan).
  2. Cette dis­tinc­tion ce retrouve dans le DSM, dans le cha­pitre inti­tu­lé « Troubles appa­rais­sant ordi­nai­re­ment au cours de l’enfance », sec­tion « Troubles des conduites ».

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

code