Le sport c’est la santé !

Par Jean-François Pontegnie

Illustration : Dahlia Maunoury

Pra­ti­quer une « acti­vi­té phy­sique régu­lière », y’a rien de mieux pour pré­ser­ver son « capi­tal san­té ». Ain­si, les jog­geurs (ce sont des gens qui courent) arpentent à des rythmes divers les rues de nos belles cités. Le dimanche, ce sont les vélos qui sont de sor­tie : une mul­ti­tude de bikers (ce sont cel­leux qui pédalent) vont gaiment le long des petits che­mins qui sentent de moins en moins la noi­sette. San­té, jog­geurs, bikers : tout est capi­tal – avec l’accent éta­su­nien. Outils de pro­duc­tion, nos corps ne font pas excep­tion : une bonne machine est une machine entretenue.

Sauf que res­pi­rer à pleins pou­mons les par­ti­cules fines de la rue de la Loi vers 17 heures, c’est pas vrai­ment conseillé. Saper­li­po­pette, que faire ? Ben, dame, c’est simple : on ouvre des salles aérées, y com­pris dans les entre­prises sou­cieuses de la bonne tenue de leur capi­tal humain. « Aérées » ? Sous air condi­tion­né quoi. On va quand même pas ouvrir les fenêtres et lais­ser ren­trer les pol­lu­tions diverses qu’on a fui en fer­mant la porte. Du coup, on peut cou­rir et péda­ler sans trop de risques de mou­rir empoi­son­né. Même si for­cé­ment on n’avance pas beau­coup, faut pas se moquer : selon une étude de l’université d’Harvard, ça fait quand même un mort sur cinq dans le monde les par­ti­cules fines. Tout ça est donc d’une impla­cable logique : pour évi­ter la pol­lu­tion exté­rieure, on fait tour­ner dans les salles des machines à aérer épou­van­ta­ble­ment éner­gi­vores qui pol­luent l’extérieur.

On sait aus­si que sans stars, y’a pas d’émulation. Je vous le demande : joue­rait-on aux échecs sans ses héros ? Et plus récem­ment sans son héroïne – y’en a qu’une de femme, faut pas pous­ser non plus – du « Jeu de la Dame » ? Ben, pour le sport en géné­ral, c’est la même chose. Et pour faire des héros, rien de tel que l’idéal olym­pique que Pierre de Cou­ber­tin, baron de son état, notoi­re­ment raciste et miso­gyne, a rani­mé en 1894.

« Citius, Altius, For­tius »…, plus vite, plus haut, plus fort, la fière devise olym­pique, mise au ser­vice de la san­té popu­laire par la Chine, quoi de mieux ? Après les Jeux Olym­piques d’été de 2008 dans quelques villes chi­noises, un peu enfu­mées il est vrai, on est pas­sé aux JO d’hiver à Pékin et dans les envi­rons. La région rete­nue, au cli­mat semi-aride, est d’ordinaire répu­tée pour sa séche­resse hiver­nale. Le Centre natio­nal de ski alpin de Yan­qing, qui a accueilli une par­tie des épreuves, n’avait reçu que 2 cm de neige entre jan­vier et mars 2021. Soit moins que Madrid à la même période. C’est dire si les JO d’hiver s’y imposaient !

Ceci dit, sérieu­se­ment, com­ment qu’on fait pour skier sans neige ? Et bien, on en fabrique ! Bon, bien sûr, ça a fait un peu riqui­qui à la TV ces longues bandes nei­geuses au milieu de nulle part. Bon, bien sûr, tout ça a pom­pé envi­ron 2 mil­lions de m3 d’eau, dans une région à risque de stress hydrique, pour ali­men­ter des canons à neige. Qui fonc­tionnent à l’électricité. Et donc la Chine, dont on connait les grandes ver­tus éco­lo­giques, a plan­té des forêts… d’éoliennes pou­vant pro­duire 14 mil­lions de kilowatts/heure et recou­vert les mon­tagnes envi­ron­nantes de pan­neaux solaires d’une capa­ci­té addi­tion­nelle de 7 mil­lions de kWh. Évi­dem­ment, éoliennes et pan­neaux solaires ont dû être fabri­qués – on n’a pas d’infos sur les gaz à effet de serre déga­gés par l’affaire. En tout état de cause, 80 333 ha de végé­ta­tion (avec du vrai bois et de vraies feuilles, cette fois) ont été plan­tés depuis 2014. Et 85 % des véhi­cules uti­li­sés pour la quin­zaine olym­pique ont rou­lé à l’électricité ou à l’hydrogène pour com­pen­ser tout ça. Même si les sites choi­sis ont allè­gre­ment bou­lo­té 25 % de la tota­li­té de la réserve natu­relle sur laquelle les pistes ont été implan­tées, ne chi­po­tons pas : on voit bien qu’on est presque sau­vé ! Suf­fit d’y mettre du sien.

En sus, grâce à l’exemple chi­nois, on va voir la moi­tié de la popu­la­tion ter­restre se mettre au cur­ling, dont sans doute les vei­nards qui font du ski à Comines – Bel­gique – par tous les temps, pour entre­te­nir leur capi­tal san­té : ah que c’est beau l’émulation olym­pique ! Ça va bien faire tour­ner quelques éoliennes et mobi­li­ser quelques pan­neaux solaires. Soit. Faut ce qu’il faut.

Puis, tant qu’à faire, pour­quoi ne pas ins­tal­ler quelques pistes gla­cées au Qatar pour le Mon­dial d’hiver ? ça déten­drait les foot­bal­leurs entre deux matchs et on pro­fi­te­rait ain­si de la réfri­gé­ra­tion des stades (c’est qu’il fait plu­tôt chaud par là). En voi­là une idée qu’elle est éco­lo­gique : ça, c’est du recy­clage, non ? Et grâce aux héros du foot, on va voir fleu­rir les voca­tions : cur­ling et foot­ball par­tout, le monde entier est gagnant puisque le sport, c’est la san­té ! Quoiqu’on ne sache pas trop ce qu’en pensent les mil­liers d’ouvriers morts sur les chan­tiers qataris…

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