entretien avec Tijs Hostyn

Le travail dans la culture, victime de son statut

statut d'artiste
Illustration : Vanya Michel

Une nou­velle réforme du sta­tut d’artiste est annon­cée pour très pro­chai­ne­ment. Nous avons vou­lu savoir où les choses en étaient, quels mots on met­tait der­rière cette appel­la­tion « sta­tut d’artiste », si sou­vent pro­non­cée mais tel­le­ment encore à la traine. Tijs Hos­tyn, res­pon­sable des sec­teurs Culture et Médias pour l’ACV Puls revient sur le tra­vail syn­di­cal en chan­tier face à cette réforme fédérale.

Qu’est-ce que l’ACV Puls. Quels sont ces actions, ces missions, ces combats, ces revendications ?

Nous sommes une branche syn­di­cale des­ti­née à défendre et sou­te­nir les travailleur·ses du sec­teur cultu­rel en Flandre au sein de la CSC. Ce qui est un peu spé­ci­fique par rap­port à d’autres orga­ni­sa­tions actives dans le domaine de la culture, c’est que nous repré­sen­tons l’ensemble des tra­vailleurs cultu­rels. Que ce soit les artistes, les tech­ni­ciens, le per­son­nel admi­nis­tra­tif etc. Avec « Cultuur­vak­bond », un par­te­naire cultu­rel qui col­la­bore avec nous, nous consti­tuons une branche cultu­relle rat­ta­chée à une grande orga­ni­sa­tion syndicale.

Nous orga­ni­sons des élec­tions sociales, des per­sonnes se pré­sentent sur une de nos listes, elles sont élues par leurs col­lègues et deviennent des délégué·es qui sont direc­te­ment en contact avec les travailleur·ses. Ces délégué·es entament un dia­logue social avec les employeurs.

Dans notre syn­di­cat nous avons beau­coup d’artistes qui béné­fi­cient du sta­tut d’artistes et qui connaissent des périodes impor­tantes de chô­mage. Nous les sou­te­nons dans leurs dif­fé­rentes démarches artistiques.

À côté de ça, nous avons des réseaux pour ame­ner les travailleur·ses qui ne sont pas syndiqué·es à s’informer sur nos actions et aux spé­ci­fi­ci­tés de leur sec­teur. Nous avons recours au mai­ling, et avons déve­lop­pé un site inter­net pour ten­ter de réunir des membres ou même des sym­pa­thi­sants non affi­liés afin de les sensibiliser.

Que pensez-vous de la réforme relative à la protection sociale des travailleur·ses culturel·les (WITA) Working in the Arts ? Répond-elle aux réalités de travail de l’ensemble du secteur culturel et artistique ? Quel est le sort que cette réforme réserve actuellement au statut d’artiste ?

Un groupe d’experts com­po­sé de gens du sec­teur ont écrit un pre­mier texte. Suite auquel les ministres com­pé­tents ont deman­dé un avis au CNT (Conseil Natio­nal du Tra­vail). C’est cet avis qui au cœur de cette pro­cé­dure. En tant que syn­di­cat bien évi­dem­ment nous par­ti­ci­pons à la dis­cus­sion. Cela fait par­tie du dia­logue social que nous avons enta­mé et pour lequel nous sommes arri­vés à déga­ger un avis com­mun avec les par­te­naires sociaux après de franches dis­cus­sions, même si nous n’avons pas gagné à tous les coups. La CSC culture et bon nombre de col­lec­tifs d’artistes appellent à une autre réforme du sta­tut d’artiste que celle pro­po­sée dans la note Wor­king In The Arts (WITA). Pour beau­coup de fédé­ra­tions, d’associations et de travailleur·ses, cette note ne répond pas aux réa­li­tés de tra­vail de l’ensemble du sec­teur cultu­rel et artis­tique. Ils pointent éga­le­ment la rapi­di­té avec laquelle cette ébauche de réforme a été rédi­gée, et sans prise en compte de la plu­ra­li­té des voix expri­mées. La CSC culture et les col­lec­tifs d’artistes demandent la pour­suite de la réflexion enta­mée jusqu’à la mise sur pied d’une réforme basée sur d’autres scé­na­rios que cette pro­po­si­tion du WITA, et qui tienne vrai­ment compte des réa­li­tés des acteurs et actrices de la culture, et pour­quoi pas d’autres formes d’intermittence. L’occasion de cette réforme néces­site un tra­vail en pro­fon­deur mené à un rythme qui puisse être sou­te­nu par des représentant·es du sec­teur et qui per­mette des allers-retours construc­tifs et indis­pen­sables avec la base. Ce col­lec­tif de tra­vail regroupe l’Association des technicien·nes et professionnel·les du spec­tacle, la Chambre des com­pa­gnies de théâtre pour adulte, la Fédé­ra­tion des arts plas­tiques, les repré­sen­tants syn­di­caux de la CSC et du Set­ca, le Mou­ve­ment des étudiant·es et travailleur·ses des arts en lutte, la Smart etc. Ne per­dons pas de vue que cette réforme est atten­due depuis plus de vingt ans, une pro­po­si­tion en vue de la créa­tion d’un véri­table sta­tut de l’artiste en Bel­gique est à l’étude chez les ministres fédé­raux Van­den­broucke, Der­magne et Cla­rin­val. Nous esti­mons n’être plus à quelques mois près, il faut que cette réforme soit pen­sée dans la séré­ni­té et non dans la précipitation.

Il est vrai que cette réforme est très large. Elle aborde beau­coup de points. Dont celui très impor­tant lié au sta­tut d’artistes en termes de car­rière, en termes de com­mis­sion des artistes. L’artiste est au centre des débats. Certes, il y a cer­tai­ne­ment de bonnes choses dans la réforme mais à l’ACV Puls nous avons des inquié­tudes. Par exemple, la réforme envi­sa­gée s’approche for­te­ment de l’idée d’un reve­nu de base pour les artistes. Mais ce n’est pas vrai­ment dans cette direc­tion que sou­haitent aller les par­te­naires sociaux. En effet, notre rôle est de res­ter les garants de la sécu­ri­té sociale. Nous sommes d’accord qu’il faut faci­li­ter l’accès au sta­tut d’artiste mais nous ne vou­lons pas de cumul de reve­nus à n’importe quelles condi­tions. C’est-à-dire que lorsque, sur une période, le tra­vail de l’artiste ne lui rap­porte pas suf­fi­sam­ment de reve­nus le com­plé­ment de reve­nu du sta­tut d’artiste lui apporte une grande aide. Si main­te­nant, il a engran­gé des reve­nus impor­tants suite à son acti­vi­té d’indépendant, il faut adap­ter son reve­nu de sta­tut d’artiste, c’est-à-dire son indem­ni­té de chô­mage de manière dégres­sive. Et ain­si limi­ter le cumul des deux reve­nus. C’est la posi­tion que défend l’ACV Puls.

L’idée doit tou­jours être celle que le sta­tut d’artiste est fait pour com­bler un vide pour l’artiste lorsque ses reve­nus, ses mis­sions artis­tiques sont trop limi­tées. Il ne doit pas sys­té­ma­ti­que­ment avoir recours au sta­tut d’artistes en toutes cir­cons­tances. Or la pro­po­si­tion du CNT veut main­te­nir cette indem­ni­té de chô­mage dans toutes les cir­cons­tances. Cepen­dant la réforme telle qu’envisagée par le CNT n’a pas encore l’étoffe ou la cou­ver­ture poli­tique néces­saires, elle n’est pas approu­vée par les ministres fédé­raux. Le CNT est donc en attente d’une note des déci­deurs poli­tiques qu’il rééva­lue­ra par la suite.

Est-ce que vous pensez qu’on va encore assister à des coupes budgétaires dans le secteur culturel dans les temps à venir ?

En Flandre, toutes les orga­ni­sa­tions cultu­relles ont remis leurs dos­siers de sub­sides pour 2022. Elles ont jus­ti­fié leurs demandes de bud­get. Les néces­si­tés de bud­gets sont grandes, mais elles sont revues à la baisse. Nous sommes en phase d’évaluation, mais je ne m’attends pas à des retom­bées très posi­tives. Il y aura beau­coup d’organisations avec un dos­sier fort qui ver­ront leurs sub­sides rabo­tés ou même refu­sés. Je ne crois pas à une nou­velle réforme immi­nente, par contre nous allons res­sen­tir les effets des coupes bud­gé­taires liées à celle qui est tou­jours d’application pour l’instant, vu que la nou­velle réforme envi­sa­gée n’a pas encore été approuvée.

Comment vous positionnez-vous par rapport aux dernières restrictions culturelles des mesures du Codeco ?

Oui ce sont des mesures très dures pour le sec­teur. Je trouve qu’encore une fois on s’attaque au sec­teur cultu­rel d’abord. On sait bien chez ACV Puls que des mesures doivent être prises, et l’on com­prend très bien les dif­fi­cul­tés que connait le sec­teur hos­pi­ta­lier par exemple. D’ailleurs Puls est à l’écoute des tra­vailleurs du sec­teur médi­cal. On reçoit fort bien leur mes­sage. On res­sent vrai­ment la pres­sion qui est la leur. Mais nous consta­tons avec regret que le sec­teur de la culture est tou­jours la pre­mière vic­time des mesures Code­co. Dans la sphère éco­no­mique, on conserve la liber­té de conti­nuer les acti­vi­tés mais dans un monde sub­si­dié comme l’est la culture, les déci­sions sont tou­jours prises à l’encontre du sec­teur. Le monde des experts et du poli­tique estiment qu’elle n’est pas essen­tielle à leurs yeux. En tant que syn­di­cat nous vou­lons gar­der et pré­ser­ver un filet de sécu­ri­té pour les travailleur·ses du secteur.

On fait l’économie de la culture. Parmi vos affiliés, vous avez vraiment beaucoup des gens qui sont en difficulté par rapport aux mesures qui ont été prises ?

Oui, sur­tout pour les per­sonnes que l’on appelle les travailleur·ses flexibles. Les gens qui ne dépendent pas d’une orga­ni­sa­tion fixe, mais qui ont dif­fé­rentes mis­sions dans d’autres asso­cia­tions. Des per­sonnes qui voient leurs pro­duc­tions annu­lées dans cer­taines struc­tures cultu­relles. Pour ces per­sonnes, la situa­tion est deve­nue très com­pli­quée. Des per­sonnes qui n’ont pas le sta­tut d’artiste et donc pas accès à des indem­ni­tés ponc­tuelles de chômage.

D’autres sont des tra­vailleurs indé­pen­dants qui n’ont pas droit à ces dif­fé­rentes formes d’aides et qui ont effec­ti­ve­ment de très grosses dif­fi­cul­tés pécuniaires.

Une per­sonne qui tra­vaille dans une seule orga­ni­sa­tion, c’est évi­dem­ment moins insé­cu­ri­sant, mais elle peut connaitre le chô­mage tem­po­raire, et perdre ain­si une par­tie de ses reve­nus. Les mesures des per­sonnes tou­chées dans le sec­teur, sont assez géné­rales. Les travailleur·ses flexibles sont quand même les plus pré­caires. C’est vrai­ment spé­ci­fique au sec­teur évè­ne­men­tiel. Pas mal de tech­ni­ciens de spec­tacle, de concert etc. connaissent ce genre de situa­tion. Leurs sta­tuts sont un peu aty­piques. La crise coro­na, nous rap­pelle à sou­hait que les per­sonnes employées sous ces dif­fé­rents sta­tuts sont tou­jours les pre­mières vic­times quand les choses tournent mal.

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