Nos amis les arbres

Par Jean-François Pontegnie

 Illu : Vanya Michel

La place de l’arbre est essen­tielle dans l’absorption du CO2, on n’en doute guère. En même temps, comme dirait l’autre, on en a besoin de ce bois : va‑t’en faire des meubles, du papier, te loger ou te chauf­fer sans bois !

Avec un peu de bon sens, on se rend bien compte que cou­per un arbre, ça n’empêche pas d’en replan­ter un autre. Ou plus. En tout, nous disent les spé­cia­listes, on pour­rait recréer des forêts sur 900 mil­lions d’hectares mor­ce­lés sur la pla­nète, deux fois le bas­sin ama­zo­nien : c’est pas rien.

Et c’est déjà en route ! Par exemple, Manu (il adore qu’on l’appelle comme ça) l’a pro­mis : il va plan­ter un mil­liard d’arbres en France dans les 10 années qui viennent ! Pas tout seul bien sûr, mais c’est quand même, comme il dit, un for­mi­dable chan­tier éco­lo­gique. On ne le contre­di­ra pas là-dessus.

Et puis, y’a tous ces braves gens qui s’y mettent. Par exemple, HSBC, une banque à la répu­ta­tion irré­pro­chable (une fois mis à part les habi­tuels mou­tons noirs qui entachent une hon­nê­te­té sans faille), s’est enga­gée dans une nou­velle poli­tique « Zéro Défo­res­ta­tion » annonce fiè­re­ment Green­peace. Finis l’huile de palme et le mas­sacre des orangs-outangs ! Dans le sec­teur de la publi­ci­té, la régie France Télé­vi­sion Publi­ci­té par exemple (chiffre d’affaires : plus de 400 mil­lions d’euros en 2021) pro­pose à ses « par­te­naires » (ceux qui achètent des espaces publi­ci­taires) de par­ti­ci­per à la plan­ta­tion de 2 000 arbres dans la forêt de Ges­té, en Maine et Loire ! Sans par­ler de ses efforts inces­sants : lors d’une émis­sion genre éco­lo, la régie a com­mer­cia­li­sé deux écrans publi­ci­taires excep­tion­nels qui ont per­mis de récol­ter 202 500 € nets, inté­gra­le­ment rever­sés à France Nature Envi­ron­ne­ment. Chez nous, en Bra­bant wal­lon, a été lan­cée une mer­veilleuse ini­tia­tive, « Plant your busi­ness tree ». Tout un pro­gramme, non ? Auquel, en entre autres, des banques comme BNP Pari­bas For­tis et ING par­ti­cipent, de même que l’Union Wal­lonne des Entre­prises, ou encore Land Rover & Jaguar, et même des entre­prises de ges­tion de capi­taux (dont une auto­pro­cla­més « roi et reine de l’op­ti­mi­sa­tion fis­cale »)… Ils sou­tiennent une cam­pagne de plan­ta­tion d’une forêt pri­maire ( ?) à Mada­gas­car, puis en BW, des ver­gers (150 plantes, quand même !), une forêt urbaine de 1200 m² au quar­tier d’affaire de l’Axisparc, etc.

Poli­tiques, banques, publi­ci­taires, entre­prises : tout le monde s’y met. Le cœur sur la main et sans arrière-pen­sées. On assiste à un véri­table ren­ver­se­ment de valeurs, n’est-ce pas ? Et pour­tant y’en a qui chi­potent – faut tou­jours un quar­te­ron de dis­cu­tailleurs. Par exemple, cher­cheurs de l’Ins­ti­tut de recherche de Pots­dam ont démon­tré que si on logeait 90 % de la popu­la­tion mon­diale dans des bâti­ments de moyenne hau­teur — 4 à 12 étages — construits en bois (plu­tôt qu’en ciment ou en béton), ça per­met­trait d’é­vi­ter plus de 100 mil­liards de tonnes d’é­mis­sions de CO2 jus­qu’en 2100. De quoi réjouir tout le monde. Ben non : des pinailleurs éco­los pré­tendent que les coupes de bois se feraient non seule­ment au détri­ment de zones natu­relles non pro­té­gées mais que ça pour­rait accroître une perte future de bio­di­ver­si­té. J’te jure : on leur dégotte une solu­tion mais faut tou­jours qu’ils aillent cher­cher la p’tite bête…

Les gens qui ont étu­dié sérieu­se­ment cette affaire, ils le disent clai­re­ment pour­tant : ce qu’il faut c’est une gou­ver­nance forte et une pla­ni­fi­ca­tion minu­tieuse. Et de ce côté-là on est tran­quille. Gou­ver­nance et pla­ni­fi­ca­tion sont, c’est bien connu, les maîtres-mots de la chaîne de valeur du bois (tu vois : je me tiens au cou­rant, on n’dit plus du tout filière, mais chaîne de valeur main­te­nant). Comme je suis d’une par­faite hon­nê­te­té et d’une bonne foi jamais prise en défaut, je recon­nais qu’il y a encore quelques malan­drins qui abusent un peu et qui coupent à tort et à tra­vers. Mais d’après la FAO, un truc des Nations-Unies, ce qui menace le plus les arbres c’est l’aug­men­ta­tion de la popu­la­tion, qui entraîne des besoins accrus en agri­cul­ture et pâtu­rage. Ils disent que, oui, il y aurait bien un peu de sur­ex­ploi­ta­tion fores­tière, mais moi je le répète : « gou­ver­nance » et « pla­ni­fi­ca­tion » vont remé­dier à ça. Sans comp­ter les huma­nistes de l’agroalimentaire qui vont nour­rir tous ces gens surnuméraires.

Bon d’accord, là tout de suite, près d’un tiers des 60 000 espèces d’arbres dans le monde sont mena­cées d’ex­tinc­tion, mais on voit bien que ça va s’arranger : gou­ver­nance et pla­ni­fi­ca­tion, rogntudju !

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