Apeirogon, cette forme géométrique au nombre infini de côtés, de l’écrivain irlandais Colum McCann raconte, au travers d’un style littéraire tout à fait original, le drame terrible de la perte d’un enfant par deux familles, l’une palestinienne, l’autre israélienne. Les mots volent aussi, comme une respiration, entre les pages aériennes emplies d’oiseaux migrateurs. Depuis des années, je voyage sur cette terre, pas toujours si sainte, mais intense et émouvante, foyer des monothéismes et fondatrice d’une part déterminante de notre civilisation. Athènes et Jérusalem. Cette terre est aussi le cœur incandescent d’une tragédie, au sens profond du terme, entre Israéliens et Palestiniens qui embrase les esprits et vomit littéralement des torrents de souffrances, d’humiliations et de désespérances. Je lis aussi depuis si longtemps analyses, récits, romans et poésies, tels Hubert Haddad, David Grossman, Edward Said, Amos Oz, Mahmoud Darwich ou Shlomo Sand, mais jamais un texte de 500 pages ne m’a aspiré, fasciné, captivé et bouleversé au point de tressaillir de tout mon corps face à l’insigne séisme existentiel de ces deux pères qui, au fond du gouffre de leurs immenses chagrins et du destin de deux peuples, choisissent le chemin si étroit et périlleux de la main tendue. Il n’y a pas d’école pour l’éclair. Colum McCann a écrit un chef-d’œuvre.
Jean CornilApeirogon
Colum McCann
Belfond, 2020