Rétrospective : 2022, une année de championnats du Monde

Par Jean-François Pontegnie

Illustration : Emmanuel Troestler

On ne peut pas dire qu’on se soit ennuyé cette année : il nous a été don­né d’assister à quelques concours mon­diaux qui valaient leur pesant de caca­huètes. Évi­dem­ment tous n’ont été pas éga­le­ment cou­verts par les médias, le foot a été 20 fois plus évo­qué que la COP 15 : y’a des prio­ri­tés dans la vie !

Des gagnants et des per­dants aussi.

Au Mon­dial de foot­ball, c’est évident, 31 pays ont per­du. Un seul a reçu les bre­loques en or — un paquet d’ailleurs : faut répar­tir entre tout le monde, joueurs, entrai­neurs, pré­pa­ra­teurs phy­siques (une très jolie litote pour dési­gner la « médi­ca­tion » du bétail qui court après la baballe), etc. C’est la dure loi du sport. Évi­dem­ment il se trou­ve­ra tou­jours quelques âmes cha­grines pour déplo­rer l’un ou l’autre acci­dent de tra­vail ou des bilans éco­lo­giques dis­cu­tables et clas­ser le tout par­mi les grands per­dants : ils ne com­prennent rien. Le sport, c’est le sport. Point. C’est d’ailleurs ce que prouve de façon par­fai­te­ment écla­tante ce que, après les mani­pu­la­tions (bien rému­né­rées) avé­rées au sein de la FIFA pour la dési­gna­tion du « pays hôte », on nomme le « Qatar­gate », une cor­rup­tion assez cro­qui­gno­lesque de divers par­le­men­taires euro­péens. Mais chut, ne nous immis­çons pas dans une affaire en cours d’instruction : jusque là tout le monde est pré­su­mé inno­cent. Les cou­pables, eux, ceux de la Fifa, ont été bien punis. La preuve ? Le Mon­dial s’est tenu au Qatar.

Dans un genre tout à fait dif­fé­rent (quoique : c’est tout de même Coca Cola qui spon­so­ri­sait les deux raouts), on a aus­si eu le cham­pion­nat du monde du Cli­mat – ça s’appelle une COP. Dif­fi­cile cette fois de dési­gner un gagnant : ils ne dis­tri­buent même pas de médailles ! Mais on peut comp­ter les vic­toires : un fonds sera des­ti­né à com­pen­ser les dégâts cli­ma­tiques déjà consta­tés dans les pays les plus vul­né­rables et qui n’ont que très peu contri­bué aux émis­sions de CO2. Bon évi­dem­ment, ça reste fort sym­bo­lique : il faut encore tout défi­nir (contri­bu­teurs, cadre, mon­tants, pays béné­fi­ciaires…) mais ça fini­ra bien par arriver.

D’aucuns, incu­rables râleurs, vien­dront évo­quer la pré­cé­dente enve­loppe du même genre (100 mil­liards de dol­lars par an) qui n’a jamais vu le jour. D’autres, ou les mêmes d’ailleurs, vili­pen­de­ront les méca­nismes de mar­ché, dont on connait l’efficacité ou même, un comble !, s’en iront iro­ni­ser sur la pure­té des inten­tions de phi­lan­thropes aus­si dés­in­té­res­sés que Bill Gates. Pes­si­mistes, va !

Autre vic­toire majeure : les lob­byistes (du sec­teur fos­sile) étaient 636, un record. Du coup, une bonne ving­taine de contrats gaziers inter­na­tio­naux ont été signés. Faut ce qui faut : le gaz russe venant à man­quer, ben, on en trouve ailleurs.

Cerise sur le gâteau, parce qu’on ne va pas s’embêter avec ces détails, le texte final a sup­pri­mé toute réfé­rence aux droits humains, à ceux des peuples autoch­tones et du tra­vail. Mer­ci Sis­si (pas l’Impératrice, l’autre, le Maré­chal à la Légion d’honneur fran­çaise). Pour le reste, fau­dra attendre un peu (c’est pas comme si on n’avait pas le temps, hein ?) : les enga­ge­ments non contrai­gnants de réduc­tion des émis­sions nous conduisent pour le moment au-delà de 2,5 ° d’élévation de la tem­pé­ra­ture moyenne…

La troi­sième grande com­pé­ti­tion de l’année, la 15e confé­rence des Par­ties à la Conven­tion sur la diver­si­té bio­lo­gique, s’est tenue au Cana­da, sous pré­si­dence chi­noise. On peut crier vic­toire à nou­veau, un « pacte de paix avec la nature », approu­vé par les 196 par­ties, rem­place les Accords d’Aichi (Japon) qui s’étaient du reste ache­vés en 2020, après 10 ans, sans qu’aucun des 20 objec­tifs n’ait été atteint. Mais cette fois-ci, c’est la bonne, pro­mis juré. Les 17 objec­tifs sont ambi­tieux, réa­listes et appli­cables, déclare le Minis­tère de l’Écologie fran­çais. C’est dire si on va y arri­ver. À quoi d’ailleurs ? À pro­té­ger 30 % de terres et 30 % des mers mais à l’échelle de la pla­nète, ce qui exo­nère d’office cer­tains pays de faire quoi ce soit pour autant que les autres se retroussent les manches : aucune contrainte n’est pré­vue (pas plus que pour les entre­prises). Mais on connait l’esprit de res­pon­sa­bi­li­té de tous et toutes. Et, pour l’instant, on igno­re­ra les éter­nels gro­gnons qui se pré­oc­cupent des 70 % res­tants « à pro­té­ger » ou des faibles mon­tants alloués à l’affaire (20 à 30 mil­liards de dol­lars au lieu de la cen­taine récla­mée par le Sud).

Alors que tant d’organisations se plaignent, nous sommes heu­reux d’avoir pu faire un bref bilan sérieux des coupes du monde de 2022 : on sent bien que tout va aller pour le mieux. D’ailleurs Manu, le p’tit pré­sident fran­çais dont le pays est signa­taire de tout ce qu’on veut, a mon­tré l’exemple. Il est en per­sonne venu sou­te­nir l’équipe de France au Qatar. Dont coût, 501.000 € et 480 tonnes d’équivalent CO2, soit 53 années d’empreinte car­bone moyenne pour un Fran­çais — si on consi­dère un Cam­bod­gien ça fait tout de suite plus de 500 ans, mais bon… : c’est‑y pas un vrai bon signal, ça ?

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