Se taire pour mieux agir

Par Pierre Vangilbergen

Eric Hunsaker - CC BY 2.0

Nous sommes au début de l’année 2015. Les Fran­çais et les Alle­mands ten­taient déjà de jouer les média­teurs entre la Rus­sie et l’Ukraine. En Bel­gique, suite aux atten­tats per­pé­trés à Paris dans les locaux de Char­lie Heb­do, l’OCAM relève le niveau d’alerte ter­ro­riste à 3 sur une échelle de 4. Et puis de l’autre côté de l’océan Atlan­tique, les Cali­for­niens de Stick to your Guns s’apprêtent à sor­tir « Diso­be­dient », leur sixième album stu­dio. En qua­trième plage, un mor­ceau dénote par rap­port au reste de l’opus. RMA (Revo­lu­tio­na­ry Men­tal Atti­tude) ne dépasse pas la minute et demie, mais pour­tant le mes­sage est clair : les mots ne servent à rien, il est temps d’agir.

« Nous sommes un groupe qui s’ins­pire des réa­li­tés sociales et poli­tiques dans le monde. Beau­coup nous qua­li­fient de gauche. Il y a en tout cas des choses aux­quelles nous croyons et nous res­sen­tons comme une obli­ga­tion ou même une res­pon­sa­bi­li­té de mon­ter sur scène et de par­ler des choses qui sont vraies pour nous », explique Jesse Bar­nett, voca­liste du groupe. L’étiquetage musi­cal d’un groupe est tou­jours un exer­cice hasar­deux et sujet à contro­verse. Mais quoi qu’il est soit, Stick to you Guns puise notam­ment son ins­pi­ra­tion dans le Hard­core-Punk. Un mou­ve­ment qui, à l’instar d’autres styles musi­caux simi­laires, ne cache sou­vent pas ses opi­nions poli­tiques. Par­cou­ru par l’influence straight-edge1 – pas d’alcool, pas tabac, pas de drogues récréa­tives et qui s’entendrait même pour certain·es à ne pas s’en­ga­ger dans la pro­mis­cui­té sexuelle, à être végé­ta­rien ou végé­ta­lien et à ne pas consom­mer de caféine – il n’est pas rare de voir cer­tains groupes issus de ce style à se pro­non­cer poli­ti­que­ment. Et dans le cas de Stick to your Guns, à agir.

« Fuck the mes­sage, fuck its good inten­tions — A new atti­tude for a new gene­ra­tion — You can’t fight back if you won’t stand up — Being posi­tive is no lon­ger enough ». Le pre­mier cou­plet du mor­ceau RMA (Revo­lu­tio­na­ry Men­tal Atti­tude) est pour le moins expli­cite et invite à trans­for­mer les mots en actes. Ce que fait le groupe, en s’association régu­liè­re­ment avec la Hard­core Help Foun­da­tion. Depuis 2011, cette asso­cia­tion alle­mande vient en aide aux per­sonnes défa­vo­ri­sées et mar­gi­na­li­sées, avec quelques pro­jets implan­tés en Europe et majo­ri­tai­re­ment en Afrique. Par­mi ces der­niers, il y a notam­ment le sou­tien finan­cier d’une for­ma­tion de futur·es professionnel·les de la san­té dans le com­té de Naku­ru (Kenya), la récolte de fonds pour aider un vil­lage dans l’Est de la Tur­quie et dans cer­taines régions en Syrie2 ou encore la dis­tri­bu­tions de biens de pre­mières néces­si­tés à des per­sonnes sans-abris à Dort­mund et à Bochum. Pour ce faire, la Hard­core Help Foun­da­tion lance régu­liè­re­ment des appels à dons. Elle est pré­sente lors de fes­ti­vals ou de concerts. Elle invite les groupes à leur léguer du mer­chan­di­sing, dont les béné­fices reviennent à l’association. Elle convie aus­si ces groupes à com­po­ser des mor­ceaux qui se retrouvent ensuite sur une com­pi­la­tion, ven­due en ligne ou lors de shows.

Dans leur der­nier album sor­ti en 2022, Spectre, Stick to your Guns y évoque la per­son­na­li­té de Tho­mas San­ka­ra, chef de l’État de la répu­blique de Haute-Vol­ta, rebap­ti­sée Bur­ki­na Faso, de 1983 à 1987. Jesse Bar­nett explique : « Le peuple en avait marre d’être colo­ni­sé. Tho­mas San­ka­ra l’a­vait bien com­pris. Il a repris le pays, il a vac­ci­né des mil­lions de per­sonnes, il a fait pas­ser le taux d’al­pha­bé­ti­sa­tion de 11 % à 80 %, il a trans­for­mé un maga­sin de caserne mili­taire en pre­mier super­mar­ché. Il a ame­né plus de femmes à la tête de l’É­tat que jamais aupa­ra­vant. Pour moi, c’est quel­qu’un qu’on peut citer en exemple. Et bien sûr, il a été tué quatre ans plus tard. Chaque fois que vous enten­dez quel­qu’un par­ler de natio­na­li­ser les res­sources de son pays, c’est qu’il est sur le point de mou­rir. J’essaie juste de conscien­ti­ser les gens, c’est tout ce que j’es­saie de faire. Et il y a des mil­lions de per­sonnes dans le monde qui essaient de le faire aussi ».

Si un jour vous vous ren­dez dans un fes­ti­val ou à un concert et que vous croi­sez un stand de la Hard­core Help Foun­da­tion, n’hésitez donc pas à prendre cinq minutes de votre temps et à dis­cu­ter avec eux.elles.

  1. Fré­quem­ment sym­bo­li­sé par trois croix sur le des­sus de la main, en réfé­rence à la croix qu’on des­si­nait sur la main des per­sonnes mineures qui assis­taient aux concerts et qui ne pou­vaient accé­der au bar en rai­son de leur âge.
  2. Suite aux trem­ble­ments de terre sur­ve­nus le 6 février 2023 à proxi­mi­té de la fron­tière entre la Syrie et la Turquie

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