Depuis décembre dernier, l’actualité se gonfle de marches pour le climat et d’exigences citoyennes dont on distingue parfois mal l’issue politique tant l’enjeu est gigantesque et les réponses des autorités publiques, médiocres et insuffisantes. Comment modifier nos comportements et notre logiciel de pensée après trois siècles d’addiction occidentale à l’énergie, à la production, à la consommation, à la vitesse et à la richesse, fondements matériels d’un capitalisme qui n’en finit pas de s’épuiser ?
Parmi les multiples réponses possibles à cette interrogation vitale, l’une d’elles m’a interpelé : celles des Bishnoïs. Voilà une communauté hindouiste d’environ 800.000 personnes, installées pour la plupart au Rajasthan, en Inde, qui professe un strict respect de la vie, en particulier des animaux et des arbres, au travers de 29 principes. Ces 29 principes (Bishnoïs signifie 29 dans une forme dialectale de l’hindi), que l’écrivaine Irène Frain a magnifiquement racontés dans son roman La Forêt des 29, forment une sagesse de vie inspirée et inspirante face au crépuscule annoncé de notre modernité.
Ainsi, parmi les 29 règles des Bishnoïs, outre les formules et les commandements classiques (ne pas voler, ne pas mentir, pratiquer le pardon…), il y a certes des injonctions de purification qui peuvent paraitre désuètes ou trop radicales, quoique… (cuisiner soi-même, jeuner lors de la nouvelle lune, réciter les noms saints avec adoration…), mais certains principes résonnent singulièrement (ne pas détruire les arbres verts, être compatissant envers tous les êtres vivants, ne pas manger de viande, fournir un abri commun aux animaux abandonnés…) au travers du respect impérieux de tout ce qui vit.
La défense acharnée des arbres et des forêts s’inscrit d’ailleurs dans le souvenir du massacre de 1730, quand 363 Bishnoïs furent tués pour avoir tenté de protéger les arbres en les entourant de leurs corps. Le Mahârâja local qui avait besoin de bois pour rénover son palais envoya alors ses soldats qui découpèrent et mutilèrent tant les arbres que les Bishnoïs. Sans verser dans une religiosité inadéquate ou un mysticisme dépassé, il me semble qu’il y a, dans l’expérience des Bishnoïs, une spiritualité, aux côtés d’autres voies d’analyses et de politiques, qui nous envoie comme un écho immémorial aux nécessités du présent.
Deux derniers petits faits intempestifs qui ont, par leur singularité même, la puissance de questionner notre époque. L’affaire des troubles de l’audition de certains membres du personnel de l’ambassade américaine de La Havane : près de vingt d’entre eux ont subi des lésions cérébrales, des pertes auditives, des nausées et des maux de tête. Les États-Unis soupçonnaient une arme acoustique, téléguidée par les services secrets cubains. Erreur concluent deux chercheurs américains : il s’agit non d’une attaque sonique, mais du bruit émis par des grillons à queue courte. Non pas les ondes électromagnétiques envoyées par un canon à ondes antiémeutes, mais le chant d’amour d’insectes latino-américains. Ceci n’est pas une fake news.
Et l’affaire du licenciement collectif des robots d’un hôtel au Japon. Pannes, problèmes de maintenance, plaintes des clients réveillés notamment par l’assistant vocal intelligent qui ne comprend pas « la question » suite aux ronflements de ces mêmes clients… Bref, la moitié des 243 robots de l’hôtel nippon seront licenciés et remplacés… par des humains, trop humains. Illustration des limites de l’intelligence artificielle qui enthousiasme tant nos élites mondialisées.