Gluegang : Des affiches en rue pour « crier en silence »

Photo et collage : Gluegang

Nous avons pro­po­sé au Glue­gang, col­lec­tif de col­leuses et col­leurs de Liège, de pré­sen­ter leur démarche. Et de décrire la manière dont le col­lage d’affiches repre­nant leurs slo­gans s’incluait dans leurs luttes.

Le Glue­gang est un col­lec­tif mili­tant Lié­geois com­po­sé de col­leurs et col­leuses de rue. Nous nous orga­ni­sons en mixi­té choi­sie sans hommes cis­genres1. Le col­lec­tif est né en 2019 à la suite du mou­ve­ment de col­lages sur les fémi­ni­cides en France. D’ailleurs à ses débuts le col­lec­tif se nom­mait « col­lages fémi­ni­cides Liège ». Par la suite nous avons déci­dé de chan­ger de nom afin de mar­quer notre oppo­si­tion à la mou­vance trans­phobe notam­ment por­tée par Mar­gue­rite Stern (acti­viste Fran­çaise, proche de l’extrême droite reven­di­quant la mater­ni­té des col­lages féministes).

Depuis 2020, nous ne col­lons plus uni­que­ment sur le thème des fémi­ni­cides, bien que nous conti­nuions de les énu­mé­rer. Nos mes­sages sont plu­riels et poli­tiques. Cela est dû à nos liens forts avec les mou­ve­ments anti­fas­cistes, queers, fémi­nistes, pro-tds2, anti­ra­cistes, anti­car­cé­ra­listes, etc.

Le prin­cipe de nos actions repose sur des col­lages sau­vages en rues, de slo­gans en lettres noires sur feuilles A4 blanches. Par la suite, nos col­lages sont pos­tés sur le compte Ins­ta­gram @gluegang afin de tou­cher un plus grand nombre de personnes.

UN OUTIL POLITIQUE EFFICACE

Les groupes de col­lages que l’on per­çoit actuel­le­ment sont nés avec l’envie de mettre des mots sur l’horreur des fémi­ni­cides ; « de comp­ter nos mortes ». Les chiffres glacent le sang et il deve­nait urgent de mettre en lumière ces meurtres trop sou­vent clas­sés comme des « crimes passionnels ».

Ce moyen de com­mu­ni­ca­tion est appa­ru comme très impac­tant, avec des slo­gans forts, par­fois cho­quants, à l’instar de la bana­li­sa­tion des évè­ne­ments qu’on dénonce.

L’intérêt de col­ler dans l’espace public est mul­tiple. Tout d’abord il per­met d’interpeller sur un sujet, de mettre en exergue ce qui a trop ten­dance à être pas­sé sous silence, igno­ré. C’est un peu une manière de « crier en silence ». Le col­lage en rue crée une forme de dia­logue ; il a l’avantage, bien que très tem­po­raire, de véhi­cu­ler un mes­sage en dehors des cercles mili­tants et de leurs proches.

L’es­thé­tique est simple. Des lettres noires sur un fond blanc. Ce style est très vite asso­cié aux mou­ve­ments fémi­nistes, mais les mes­sages peuvent être très variés. La seule limite c’est la taille de la phrase, on doit se res­treindre dans le nombre de carac­tères pour col­ler rapi­de­ment. C’est pour cela que le taff des colleur·euses est sou­vent un tra­vail de sou­tien auprès de col­lec­tifs ou d’individus, mili­tants au quo­ti­dien sur le terrain.

LE COLLAGE, UN MOMENT JOYEUX

On le répète sou­vent mais le col­lage, la tech­nique, n’appartient à per­sonne. Chacun·e est libre de se l’approprier. C’est un médium qui existe depuis des années, et qui conti­nue­ra d’exister de manière auto­nome. Ce qu’on peut faire cepen­dant pour aider d’autres individus/collectifs lié­geois à aller col­ler, c’est leur prê­ter le maté­riel que l’on a déjà et par­ta­ger nos astuces.

En effet, le col­lage en rue, même si illé­gal, reste un médium rela­ti­ve­ment acces­sible. Bien-sûr les per­sonnes qui peuvent prendre ce risque reste des per­sonnes béné­fi­ciant d’un cer­tain pri­vi­lège dans l’espace public (de classe, de race, avec papier, valide, …) mais une grande par­tie du pro­ces­sus pré-col­lage se fait de manière sécu­ri­sé et pri­vé. Le moment où l’on peint les slo­gans est aus­si un moment d’échange et de ren­contre entre les membres du col­lec­tif, un moment calme et posé, qui per­met à plus de monde de s’investir.

Un autre inté­rêt du col­lage en rue, en mixi­té choi­sie, comme pra­ti­qué avec le Glue­gang, c’est qu’en tant que femmes et mino­ri­tés de genre, col­ler en soi­rée dans les rues, ce n’est pas ano­din. On nous répète tout au long de notre exis­tence que la rue, c’est pas trop pour nous, qu’on ne doit pas sor­tir seul·es, qu’on est menacé·es à tout moment. Quand on s’approprie la rue, quelques heures la nuit, en groupe, ça donne de la force et ça peut aider à se (re)donner confiance. On se sent de rem­bal­ler les relou·es qui nous accostent, nous insultent, et ça fait du bien.

Le col­lage de slo­gan en lui-même, c’est une balade géné­ra­le­ment joyeuse en ville avec des copain·e·s et ça peut être une entrée vers d’autres luttes et/ou forme de militantisme.

  1. Cis­genre : Per­sonne qui se recon­nait dans le genre qu’on lui a assi­gné à la naissance
  2. TDS : tra­vailleuses et tra­vailleurs du sexe

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