Qui êtes-vous et pourquoi a‑t-on parlé de vous ?
En réalité, tout a commencé en 2008, j’ai alors décidé de tenter une expérience, celle d’essayer de vivre de manière durable en réduisant au maximum mon empreinte écologique. À l’époque, j’étais locataire je vivais dans une maison vétuste, mal isolée. J’ai commencé à produire mon électricité en pédalant, à récupérer l’eau de pluie, à avoir des toilettes sèches, j’allais au magasin sans sac plastique, je lessivais à basse température… La chaine de télévision flamande Canvas s’est rapidement intéressée à ma façon d’envisager mon quotidien et a réalisé un documentaire sur mon projet. J’ai été surpris de l’emballement que cela a suscité. On me sollicitait pour des débats, des conférences, dans les écoles… Or, en réalité, j’essayais simplement de vivre autrement que dans du tout à la consommation, à l’obsolescence programmée et à la facilité. Nous avions une petite cour dans laquelle j’ai fabriqué un potager. Question mobilité, on se déplaçait à pied, à vélo ou en transports publics. J’ai testé ces gestes pendant un an, c’était très important de passer par les quatre saisons. Et la conclusion fut un peu surprenante : j’avais effectivement réussi à réduire drastiquement mon empreinte écologique.
Quel travail exerciez-vous ?
À l’époque, en 2008, je travaillais dans une ONG environnementale. J’étais dès lors bien conscient de ce mode de vie, de plus j’étais très curieux de nature. On nous invite à diminuer notre impact par 10 ou en produisant 90% de CO2 en moins, mais est-ce réellement possible ? De là est née mon expérience, j’ai alors décidé de ne pas retourner au travail. Et depuis, je vis de ce que je décide de faire, indépendamment de toute structure. C’est parfois un peu insécurisant, mais je suis beaucoup plus heureux comme ça.
Quelle a été la réaction de votre famille ?
J’ai deux enfants âgés de 17 et 20 ans. Au début, ils craignaient de restreindre leur qualité de vie, mais ensuite ils ont facilement adhéré. Par exemple, ils portaient des vêtements de seconde main. Personnellement, je suis végétarien, quand ils mangeaient à la maison, ils mangeaient comme moi. Mais rien ne les empêchait de manger de la viande en dehors ou chez des amis. On ne prenait pas l’avion, l’impact écologique était bien trop grand. Nos vacances se faisaient en train, en bateau, à vélo. On allait beaucoup moins loin, mais cela ne nous empêchait pas de bouger.
Vous ne cultivez pas, vous n’avez pas de potager quelque part ?
Non, il existe tellement de liens directs avec les producteurs et les consommateurs. Il y a une effervescence pour toutes sortes d’initiatives alternatives et progressistes. Aujourd’hui, il est de plus en plus facile de choisir un style de vie autre.
Aujourd’hui, vous occupez un immeuble alternatif et collectif ?
Il s’agit d’une cohabitation de 8 familles dont quelques-unes recomposées. Ce projet écologique et social de groupe s’est formé voici trois ans. L’idée c’était de minimaliser ce que l’on a de privé et de maximaliser ce que l’on peut faire ensemble, ce qu’on peut partager collectivement. J’ai 60 m2, deux chambres, une petite salle de bain dans mon logement individuel. Au rez-de-chaussée nous avons des cuisines communes, un grand salon, une grande salle à manger, le jardin commun, les machines à laver que l’on partage. Dans le bâtiment, nous avons opté pour des choix écologiques. Nous avons fait de la récupération de pierres et les murs en argile. Nous avons conçu nous-mêmes notre cuisine. Elle est composée d’objets de récup, de fabrication artisanale ou faits maison. Nous avons récupéré des matériaux. J’ai un peu plus de confort et moins de perte écologique que lorsque j’étais locataire. Parce que nous avons réfléchi ensemble et autrement. L’aspect social a beaucoup d’importance pour nous.
Est-ce que la localisation de votre logement permet d’être plus écologique ? Ou est-ce que cela relève d’une simple opportunité ?
Nous avons vraiment choisi un endroit dans le centre-ville, c’était notre volonté première. Un projet tel que celui-ci situé dans un rayon de 5 à 10 kilomètres, n’était pas envisageable car il ya d’autres besoins en terme de mobilité.
Est-ce que le coût du logement est accessible à des gens avec peu de revenus ?
Même si on essaie de construire des unités compactes, le prix de construction pour ce type d’habitation reste très élevé. En fait, les agences immobilières ne sont pas vraiment intéressées pour soutenir des projets comme celui-ci. L’ensemble du groupe aurait souhaité construire deux logements supplémentaires en vue de les louer, mais financièrement ce n’était pas tenable. Pour le reste, je pense que choisir l’énergie verte est abordable. Par contre, l’achat et le placement de panneaux solaires, le choix d’une voiture électrique ou les matériaux bio restent très chers.
Ces mesures sont finalement très classiques, y a‑t-il d’autres choix ?
Le choix de pouvoir renoncer au tout à la consommation excessive. J’ai voyagé sur un bateau avec des conteneurs plutôt qu’un bateau de tourisme. Je suis à la banque Triodos et tout récemment je suis passé chez New B qui a lancé une carte avec bancontact. Mon GSM est un fairphone. Aujourd’hui, il ne faut pas seulement être un simple consommateur, il faut être un citoyen responsable. Et pas seul, avec d’autres personnes. Le vivre ensemble est essentiel. Ainsi dans mon quartier je vais vers les gens pour discuter, les sensibiliser à des actions toutes simples, faire des choses ensemble. Planter des arbres dans la rue par exemple. À Gand, nous avons une majorité Sp.a, Groen, Vld. C’est plutôt une exception en Flandre. La N‑Va est dans l’opposition. Gand est aussi un peu l’image de la ville progressiste. C’est très chouette de voir qu’il existe des tas d’initiatives sur le plan local.
Êtes-vous plus heureux aujourd’hui et pourquoi ?
Oui je suis plus heureux dans le sens où je me sens plus libre qu’avant, car finalement je me suis rendu compte que je n’avais pas besoin de beaucoup de choses pour vivre. Je me contente du nécessaire. C’est une sorte de légèreté, de libération.
Deuxièmement je suis aussi très satisfait car j’arrive à gagner ma vie tout en gardant cette façon de vivre. Bien sûr cette sécurité financière est plus fragile que lorsqu’on a un travail fixe. Mais d’un autre côté j’ai la liberté de choisir, d’accepter ce qui m’intéresse et laisser de côté ce qui ne m’intéresse pas, sans la moindre contrainte.
Je découvre au fur et à mesure des groupes de personnes qui même s’ils restent minoritaires travaillent et s’intéressent à des microprojets alternatifs. Je les préfère nettement aux politiciens qui tiennent leur discours habituel, mais qui n’ont en réalité pas ou peu de solutions. Au début, mon projet partais plutôt d’un positionnement environnemental, maintenant il est plus politique au niveau social et engagé.
J’ai l’impression d’avoir trouvé une sorte d’équilibre. Je n’ai pas de rêve matériel particulier. Pour le reste j’ai retenu qu’il n’était pas nécessaire d’avoir un but fixe à long terme. Mais d’apprécier ce qui vient sur ma route plutôt.
Récemment, on m’a sollicité pour suivre et donner un avis sur un autre projet de cohabitation dans un petit village juste à côté de Gand. C’est emballant ! Une autre demande m’a été formulée par une association, celle de préparer pour le mois de septembre une conférence sur l’agriculture écologique, notamment sur le problème lié aux pesticides. Ce sont de petits boulots ci et là qui me donnent un petit revenu.
Vous avez écrit deux livres ?
Mon premier livre était vraiment axé sur mon expérience en tant que « Low Impact Man », mon deuxième livre paru l’année passée, est beaucoup plus tourné sur l’activisme, sur l’engagement. Je suis convaincu que même si pas mal de personnes adhèrent aux gestes simples pour préserver la planète, ce n’est pas suffisant. Il faut qu’ils soient accompagnés d’un changement structurel ou systémique. Il faut revoir la politique en général. Par le biais de mon mandat de conseiller communal, J’essaie aussi d’être le plus souvent le lien entre les groupes locaux et la commune.
Que vous inspire notre mode de consommation planétaire actuelle ?
Nous sommes déjà allés trop loin dans la manière de traiter la planète, le climat, l’eau, la biodiversité, les causes sociales, les conflits, la pauvreté, la richesse, etc. Je pense que nous nous dirigeons droit vers des chocs mondiaux spectaculaires. Notre système financier par exemple. Le système de nourriture bien trop dépendant de l’énergie fossile, le système énergétique, d’électricité comportent bien trop de risques. Nous sommes à l’aune de grands changements, de basculements. Les gens prennent peur. Leur réaction est de se concentrer davantage sur ce que l’on connaît. Penser que croissance et consommation sont la solution, ils ne sont pas encore prêts à perdre leurs habitudes. A contrario, aujourd’hui il y a des citoyens qui se préparent à envisager leur mode de vie autrement. Ils revoient leur mode de déplacement, de nourriture, leur façon de se loger, ça bouge quand même bien en Europe. Au moment des premiers chocs, les petites initiatives personnelles et locales prendront de l’importance aux yeux des indécis. Vous verrez !
Le blog de Steven Vromman (en néerlandais) : www.lowimpactman.be