« Cassos », n.m, contraction de l’expression « cas social », fin 20e siècle. Locution a priori haineuse, finalement utilisée dans de nombreux milieux. Dans son livre, que l’on peut feuilleter à la manière d’un catalogue, Fabienne Brutus a une façon d’amener les choses originale qui plus est sur le ton de l’humour. Elle décrit des situations de vie, de celles et ceux qui, au chômage, en réinsertion, en précarité, suivent des stages pour continuer de recevoir leurs faibles allocations. Car il faut bien les occuper ces grands gamins. Et, du point de vue de l’institution, on pourrait même dire peu importe comment. Tant pis si parfois cela relève de la pitrerie ! Fabienne Brutus nous plonge ainsi au cœur de la salle de cours, à coup de phrases courtes, très imagées, qui claquent, qui secouent et qui parlent vrai quand il s’agit de s’épancher sur la formation, l’insertion, le retour à l’emploi, le travail au noir ou déclaré, les exclusions, le marché du système, les causes et les conséquences… Souvent, ces jeunes adultes savent pertinemment que le peu d’emploi ne veut pas d’eux. Que le peu d’emploi préfèrera les plus beaux, les plus propres, les plus diplômés, les plus dégourdis, les mieux éduqués, les plus blancs, les plus minces, les plus motorisés etc. Et oui les clichés sont de sortie. En lisant cette galerie de portraits de « galériens », on constate que beaucoup fuient la violence ou la vraie misère, beaucoup vivent une grande précarité morale, intellectuelle et parfois la vraie pauvreté aussi. Fabienne Brutus reste néanmoins optimiste dans son livre. Elle raconte avec beaucoup de franchise et de sincérité qu’en dehors des champs éducatifs habituels, dans ces lieux de formation et de réinsertion, sont néanmoins possibles des rencontres culturelles autrement improbables, des instants d’illumination et d’élévations. Des moments empreints de beaucoup d’humanité.
Sabine Beaucamp« Cassos » - L’amertume des marchandises
Fabienne Brutus
Le Cerisier, 2022