Ce que la laïcité doit aux femmes

Véronique De Keyser

Ni sainte, ni mère, ni putain. Ni épouse, ni « sœur de », ni « fille de ». Ni guer­rière, ni espionne, ni trai­tresse. Ni folle, ni hys­té­rique, ni péche­resse, cou­pable et cri­mi­nelle. Ni unique, ni excep­tion­nelle. Toutes ces éti­quettes que, tout à tour, l’Histoire a col­lées au front des femmes, pour mieux les faire dis­pa­raitre, ou les dis­cré­di­ter, sont obso­lètes. Les femmes s’en sont éman­ci­pées au cours des siècles, en conqué­rant des droits, mais sur­tout en ayant accès à la parole et en écri­vant leur his­toire. Ou plu­tôt leurs his­toires. Les femmes ont su impo­ser leur rap­port au monde. Leur sen­si­bi­li­té. Leur pré­oc­cu­pa­tion pour les plus vul­né­rables de la chaine du vivant. Les schèmes de domi­na­tion qu’elles veulent désor­mais abattre sont loin de se limi­ter au patriar­cat, ou à l’emprise reli­gieuse. Ils touchent la pro­tec­tion de la nature, le sou­ci de la démo­cra­tie et l’État de droit, la san­té et la pré­ser­va­tion de ces biens com­muns si dif­fi­ciles à cer­ner lorsqu’ils ne sont pas mena­cés, comme le silence, le soin aux morts, le temps, l’horizon etc. La ver­sion nou­velle de l’universalisme huma­niste qu’elles pro­posent ne fait pas sens que pour les femmes, elle fait sens pour les vul­né­rables, ceux d’hier et ceux de demain : elle fait sens pour tous. Elle est à la fois un cap et un abou­tis­se­ment. C’est cette parole-là qui ne craint rien, cette force irré­duc­tible que les femmes ont appor­tée à la laï­ci­té. Celle de voir les dan­gers qu’on ne mesure pas encore et de repé­rer les issues pour y échapper.

Sabine Beaucamp

Ce que la laïcité doit aux femmes - Les voix de l’émancipation
Véronique De Keyser
CAL, 2022

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