Cécile Douard, née Cécile Leseine, exilée française, connaît tour à tour Ostende, Bruges, Bruxelles, Verviers et enfin arrive à Mons au cours des années 1870. L’adolescente prend racine aux confins de ce Borinage baigné du ferment idéaliste à une époque où artistes et intellectuels sont porteurs des valeurs de justice sociale. Elle sera élève du peintre talentueux Antoine Bourlard soutenu par l’intelligentsia montoise. Elle s’écartera des scènes de genre et des canons esthétiques de l’époque pour traduire l’atmosphère du pays minier. La place qu’elle accordera aux femmes sera prépondérante dans ses peintures. En 1897, Cécile écrivait ceci : « Les Glaneuses, ce sont elles que j’attends depuis une heure. Il faut que je retrouve vivant et déambulant la façon de bas-relief que j’ai crayonné hier ; mais aujourd’hui j’y vois plus que du réalisme, plus qu’un beau ton uniforme dans une ligne pathétique : sous ce ciel morne, les figures s’agrandissent, s’ennoblissent et atteignent l’allégorie, allégorie de l’accoutumance à la misère quotidienne et à la servitude sans aspiration ni regret ». Quelle sensibilité juste et à fleur de peau ! À l’entame de sa notoriété, en 1899, elle perdra la vue. À trente-trois ans, elle ne verra pas le 20e siècle. Mais ce qui ne l’empêchera pas de mordre la vie à pleines dents. En effet, sa cécité l’amènera à se découvrir autrement et devenir à la fois musicienne, écrivaine et sculpteure. Cécile Douard contribuera à la création de la Ligue braille belge qu’elle présidera de 1926 à 1937. Jeanne Vercheval, figure de proue wallonne du féminisme, a écrit cet ouvrage avec beaucoup de passion et de pudeur. Cette biographie foisonnante propose le parcours de vie d’un personnage à la force de caractère inouïe.
Sabine BeaucampCécile Douard. Un regard retrouvé
Jeanne Vercheval
L’Image et l’Écrit / PAC, 2014