Classe

Etienne Pénissat

Nous ne le dirons jamais assez : la col­lec­tion « Le mot est faible » chez Ana­mo­sa est une mine d’or et chaque paru­tion apporte une nou­velle pépite en ces temps de confu­sion séman­tique. Rap­pe­lons-en le prin­cipe : aus­cul­ter, pas­ser au crible et jau­ger un mot quant à sa per­ti­nence dans les temps pré­sents, indé­pen­dam­ment de son impor­tance his­to­rique. Cette fois, le socio­logue Etienne Pénis­sat, spé­cia­liste des inéga­li­tés sociales, a la tâche de se pen­cher sur le terme de « classe ». Dans cet opus, l’auteur pointe un pre­mier para­doxe : alors que la domi­na­tion du capi­tal n’a jamais été aus­si âpre, le mot semble être affai­bli, il a ces­sé d’être uti­li­sé comme grille de lec­ture en socio­lo­gie et s’est vu rem­pla­cé par des for­mu­la­tions au plu­riel (« classes popu­laires », « classes supé­rieures »). La classe ouvrière ne serait plus le sujet his­to­rique des trans­for­ma­tions sociales, car, depuis les années 1970, le capi­ta­lisme a mu(t)é et des recom­po­si­tions socio­lo­giques ont éga­le­ment eu lieu. Pour redon­ner vigueur à cet éty­mon, il est néces­saire de le dépous­sié­rer et de lui faire inté­grer la pers­pec­tive inter­sec­tion­nelle qui invite à la coa­li­tion dif­fé­rents groupes domi­nés par-delà le noyau modèle de la classe ouvrière. L’auteur s’appuie sur des luttes récentes pour illus­trer son pro­pos comme la mobi­li­sa­tion des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Bati­gnolles. Car, pour citer l’auteur, « le lan­gage des classes demeure un outil dans les com­bats pour l’émancipation… contre le fata­lisme d’un ordre social que les domi­nants natu­ra­lisent et rendent immuable, la grille de lec­ture clas­siste contri­bue à ren­ver­ser la pers­pec­tive de lec­ture du monde ».

Olivier Starquit

Classe
Etienne Pénissat
Anamosa, 2023

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