Coincés dans Zoom

Lors de la pan­dé­mie du Covid 19, la télé­con­fé­rence, une pra­tique aupa­ra­vant réser­vée essen­tiel­le­ment aux cadres s’est dif­fu­sé dans toute la socié­té. Et l’on s’est retrou­vé col­lec­ti­ve­ment « conge­lé devant nos écrans ». Il s’agissait disait-on de garan­tir la conti­nui­té à tous les étages (san­té, édu­ca­tion, entre­prise…). Pour­tant, comme le pen­seur cri­tique du numé­rique Hubert Guillaud le montre dans cet essai sti­mu­lant Coin­cés dans Zoom, c’est sans doute plus sur­ement une accé­lé­ra­tion du capi­ta­lisme numé­rique et de la néo­li­bé­ra­li­sa­tion de notre socié­té qui s’est pro­duit par la dif­fu­sion d’outils comme Zoom ou Teams. Car que pro­voque la sub­sti­tu­tion de la com­plexi­té des rela­tions inter­per­son­nelles par ce gros plan sur nos visage ? Notre entrée dans la télé­vi­sion. Mais une télé un peu par­ti­cu­lière, qui emprunte aus­si des élé­ments dis­ci­pli­naires visant à suivre l’attention des participant·es. Car dans Zoom, une « écoute silen­cieuse et dis­ci­pli­né » est requise. Il faut tou­jours élar­gir le domaine du télé­tra­vail et sou­mettre les récalcitrant·es. Au prix sou­vent, d’une détresse pour celles et ceux, étudiant·es ou employé·es, qui se retrouvent « coin­cés dans zoom ». Dres­sant une généa­lo­gie de la visio­con­fé­rence, les idéo­lo­gies qui le sous-tendent et ses effets sociaux et cultu­rels de l’outil Zoom, ces ana­lyses lèvent cer­tains voiles et éclairent une par­tie des malaises que l’on peut res­sen­tir vis-à-vis de ce qui se pré­sente comme un simple outil de com­mu­ni­ca­tion neutre (dont la célèbre « fatique zoom », cette las­si­tude propre à la contem­pla­tion de la grille de por­traits pin­cés en réunion). En effet, Zoom est en réa­li­té, rap­pelle Hubert Guillaud, un dis­po­si­tif des­ti­né à nous faire tra­vailler plus et pour moins cher,. Son archi­tec­ture logi­ciel est desi­gnée pour sur­veiller, enre­gis­trer et repro­duire la vio­lence de la hié­rar­chie des orga­ni­sa­tions. L’auteur montre par exemple com­ment Zoom inhibe la pos­si­bi­li­té de conflits et d’oppositions qui pour­raient exis­ter plus faci­le­ment dans une réunion phy­sique. En cela, parce qu’il est un dis­po­si­tif per­met­tant à ce que le dis­tan­ciel mate la contes­ta­tion, Zoom pose de sérieuses ques­tions quant à son usage dans les milieux asso­cia­tifs et mili­tants, sur­tout si long­temps après la fin des res­tric­tions sani­taires. Et cet ouvrage leur per­met d’envisager de… dézoomer.

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