Marie Cosnay est autrice et militante. Depuis le pays basque où elle vit et les différents espaces frontières qu’elle fréquente dans le cadre de son activisme pour l’accueil des migrant·es, elle fait le récit de rencontres, des trajectoires des personnes exilé·es qu’elle a aidé à traverser les frontières, dont elle cherche les traces fragiles à travers les méandres d’un continent européen si peu prompt à l’hospitalité. « Mon livre est une observation géographique de ce qu’une politique absurde fait aux individus. » écrit-elle quelque part. Très loin du pathos, son récit singulier est bel et bien le sien mais il est fait de dizaine de voix, qui ne sont pas l’objet des récits, mais sujets de leur choix, de leur parole, de leur capacité à malgré tout agir pour elleux-mêmes. Par la littérature, les frontières entre les voix, et les lieux deviennent poreuses et offrent des éléments fins et concrets pour comprendre et penser comment la spécificité de ces situations et la violence qui s’exerce sur les individus dans le cadre des politiques migratoires transforment les liens, voir les impossibilisent. « La mise à l’écart du droit d’une partie de la population est une mise au flou. On en vient à ne pas pouvoir distinguer sujet et objet de violence. […] Cette façon contemporaine de ne pas voir ou de voir flous les gens qu’on a glissés hors du droit renoue avec des positions fantasmées, héritées de situations coloniales. » Marie Cosnay n’écrit pas sur, elle écrit avec. Elle écrit dans et contre le réel, exprimant les mouvements permanents et paradoxaux qui se dessinent dans l’interdiction de circuler.
Valentine BonomoDes îles, Lesbos 2020 – Canaries 2022
Marie Cosnay
Éditions de l’Ogre, 2021