Ethnographie des mondes à venir est un petit ouvrage construit comme un dialogue entre l’anthropologue Philippe Descola, auteur de Les lances du crépuscule et Par-delà Nature et Culture, et Alessandro Pignocchi, chercheur en sciences cognitives qui s’est lancé dans la bande dessinée, auteur de la trilogie Petit traité d’écologie sauvage qui s’appuie justement sur les thèses de Descola. L’ouvrage est découpé en plusieurs chapitres, chacun d’entre eux se termine systématiquement par quelques planches de BD qui reprennent l’idée principale développée dans cette partie ; la discussion libre est nourrie de nombreux exemples de terrain et permet de saisir, de façon dynamique, les recherches menées par Philippe Descola auprès du peuple Achuar de la forêt amazonienne. Cet anthropologue de renom s’est attaché, durant toute sa carrière, à développer l’idée que le naturalisme, qui caractérise nos sociétés capitalistes, n’est qu’une façon de (se) représenter le monde et qu’il en existe trois autres que sont l’animisme, la totémisme et l’analogisme. Les deux protagonistes invitent à appréhender le monde avec les lunettes de l’ethnographe et à déconstruire la vision déterministe qui considère que nos sociétés « modernes », industrialisées, hiérarchisées, capitalistes sont le résultat d’une évolution naturelle. Un ouvrage intéressant qui permet d’aborder de façon compréhensible une pensée complexe mais essentielle pour comprendre l’état de nos mondes et envisager ceux à venir. Un ouvrage où l’on s’attache à fissurer la pensée naturaliste et à proposer des pistes d’action pour « faire monde et être au monde » de façon plus égalitaire.
Aurélien BerthierEthnographie des mondes à venir
Philippe Descola et Alessandro Pignocchi,
Le Seuil, 2022