Peu connu des francophones car peu traduit, Stuart Hall, né en Jamaïque en 1932, est un sociologue rattaché au mouvement des cultural studies. Les articles qui composent ce recueil se penchent sur les conditions qui ont vu la naissance de cette « discipline indisciplinée », son devenir et ce qu’elle peut politiquement, notamment dans sa visée socialiste.
Les études culturelles, dont Stuart Hall est l’un des pères fondateurs (avec l’Indien Homi Bhabha et le Palestinien Edward Said) se situent au croisement des disciplines des sciences sociales et des humanités (sociologie, anthropologie, psychanalyse, histoire, littérature, art, médiologie…). Elles portent sur des champs d’investigation liés aux cultures populaires, minoritaires ou contestataires et les affrontements symboliques (genres, classes sociales, sexualités, colon/colonisé etc.). Le regard du « subalterne » et les relations de pouvoir entre celui-ci et la culture dominante y sont privilégiés. Leur but est aussi politique puisqu’elles visent à redonner une « puissance d’agir sociale » aux groupes considérés.
Néo-gramscien, Hall considère la culture comme un lieu de conflit et une question hautement politique. Sa pensée permet d’interroger des champs tels que les médias (question de la réception plurielle où l’individu, loin d’être un « idiot culturel », négocie, accepte ou refuse les messages médiatiques), des suites du colonialisme (hantant encore aujourd’hui les discours des anciens colons et des décolonisés), de l’ethnicité ou des phénomènes liés à la diaspora mais aussi de déconstruire certains concepts usuels tels que « culture », « populaire », « multiculturalisme » ou « identité » qu’il s’agit de redéfinir.
Ces articles parus dans la période thatchérienne des années 1980 et 90 (et en vue de résister à sa politique) offrent une panoplie de concepts et renouvellent des paradigmes qui permettent d’appréhender la société postfordiste au populisme autoritaire prégnant dans laquelle nous baignons et de mieux s’expliquer ‑du point de vue culturel- des phénomènes parfois embrouillés tels que mondialisation, articulation/désarticulation des identités contemporaines, migrations, mass medias…
S’il est souvent dur de rentrer dans l’analyse exigeante de Hall, la boîte à outils qu’il propose et le type de réflexion très moderne qu’il suggère sur l’univers social actuel donnent tout à fait la mesure de ce que les études culturelles, leurs objets, leurs méthodes, peuvent amener au monde militant et à la pratique de l’éducation populaire.
Aurélien BerthierIdentités et cultures, Politiques des cultural studies
Stuart Hall
Editions Amsterdam, 2008