Lorsque Playdead publie Limbo en 2010, le jeu rencontre immédiatement le succès critique et public. Extraordinaire jeu de plateforme et d’énigmes, le premier titre du studio danois frappe par la noirceur de son univers et par sa direction artistique inspirée des films expressionnistes. Classique immédiat, Limbo va engendrer six ans plus tard Inside, une suite informelle qui en reprend toutes les qualités tout en les sublimant. Inside, comme Limbo, ne contient aucun mot et vous plonge immédiatement dans son univers oppressant. Il offre un gameplay évident, reflet de sa radicalité. Radicalité qui se retrouve dans son esthétique à base d’aplats et de décors industriels déliquescents ainsi que dans sa musique abstraite. Inside propose une expérience de jeu forte, marquante par la puissance de son esthétique et de nombreux moments aussi sublimes qu’intenses. Implicite et suggestif, son propos se laisse entr’apercevoir plus qu’il ne s’affirme. Le titre de Playdead donne à voir la fin d’une certaine forme d’humanité, privée de libre arbitre, manipulée et réduite à des pantins esclavagisés voire à de la matière première pour expériences génétiques. Sensoriellement, cette impression s’infiltre partout lorsque vous jouez. Mais Inside pousse encore plus loin cette question en l’appliquant au jeu vidéo lui-même, système numérique qui enserre le joueur pour l’obliger à accomplir des actions imposées. Et au final, comme l’analysent les chercheuses belges Julie Debouille et Fanny Barnabé (ULiège), ce titre « affirme que la seule échappatoire à l’emprise du système consiste tout bonnement à refuser d’y participer, à ne pas s’aventurer sur le parcours linéaire et pré- tracé : pour se libérer de l’enchâssement de contrôles dans lequel il est pris, le joueur est invité à éteindre le jeu ».
Julien AnnartInside
Playdead, 2016