La puissance des mères. Pour un nouveau sujet révolutionnaire

Fatima Ouassak

Poli­to­logue et mili­tante fran­çaise, Fati­ma Ouas­sak pro­pose un essai où se mêlent expé­rience intime, ana­lyse poli­tique et trans­mis­sion de bonnes pra­tiques pour une lutte cou­ron­née de suc­cès. Son pro­pos, à la fois ins­truc­tif et très tou­chant, s’ouvre sur le par­tage de son expé­rience intime du mépris et de l’infériorisation qu’elle a vécue, notam­ment en tant que mère, per­çue comme « d’origine étran­gère et de classe popu­laire », un double stig­mate qu’elle va retour­ner au fil de son pro­pos pour en faire le ter­reau et les attri­buts d’un com­bat qu’elle porte avec fier­té. Car c’est bien en tant que mère, et non que maman, que Fati­ma Ouas­sak mène ses com­bats : elle réfute le rôle de « maman tam­pon » que l’État attend des femmes « des quar­tiers », pour « paci­fier » l’espace public en gar­dant leurs enfants à la maison.

Fati­ma Ouas­sak va entrer en lutte au départ d’une pré­oc­cu­pa­tion légi­time : pour garan­tir la qua­li­té de l’alimentation de ses enfants, elle demande la mise en place de repas végé­ta­riens à la can­tine sco­laire. C’est avec cette demande qu’elle va faire l’expérience de la vio­lence de classe, et qu’elle va se voir soup­çon­née d’« entrisme », sa stra­té­gie cachée consis­tant, selon ses détrac­teurs, à vou­loir reven­di­quer par la suite des « menus Hallals »…

Avec la créa­tion de son syn­di­cat, le « Front de Mères », Fati­ma Ouas­sak va déve­lop­per des actions très concrètes, autour de quatre axes : éco­lo­gie, lutte contre les inéga­li­tés sco­laires, lutte contre les vio­lences inter­quar­tiers, et lutte contre les vio­lences poli­cières ; cette der­nière condui­sant trop sou­vent à la mort des enfants des quar­tiers popu­laires. En effet le che­min est long, notam­ment sur la ques­tion des vio­lences poli­cières, dont les consé­quences dra­ma­tiques font écho éga­le­ment en Bel­gique, à l’heure où le pro­cès pour le meurtre de la petite Maw­da, ou encore l’annonce du non-lieu envers les poli­ciers res­pon­sables de la mort du jeune Adil démontrent le mépris d’un sys­tème envers ceux pour qui Fati­ma Ouas­sak ana­lyse le pro­ces­sus de désen­fan­ti­sa­tion à l’œuvre : « lorsque le sys­tème domi­nant regarde nos enfants, il ne voit pas des enfants, il voit des menaces pour sa sur­vie (…) il les désen­fan­tise » (p. 15).

Les actions du Front de mères s’organisent autour de cinq piliers stra­té­giques : la trans­mis­sion, l’école, le ter­ri­toire, le pou­voir et la vic­toire. En par­ta­geant le récit de luttes vic­to­rieuses, Fati­ma Ouas­sak nous rap­pelle en effet qu’un com­bat peut abou­tir, en gar­dant une vigi­lance per­ma­nente, une ligne poli­tique s’articulant autour de trois ques­tions incon­tour­nables : qu’est-ce qui est mieux pour nous ? Qu’est-ce qui est mieux pour nos enfants ? De quoi avons-nous réel­le­ment besoin ? Ces ques­tions rap­pe­lant le prin­cipe essen­tiel, ter­reau de toute éman­ci­pa­tion : « Ce qui est fait pour nous, sans nous, est fait contre nous » (Cita­tion attri­buée à Nel­son Mandela).

Barbara Mourin

La puissance des mères. Pour un nouveau sujet révolutionnaire
Fatima Ouassak
La découverte 2020

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