À l’instar d’une notion comme celle de « croissance », toujours présentée comme indépassable et nécessairement désirable, celle de « travail » est considérée comme une norme incontournable dans la majeure partie des discours, de droite comme de gauche. Pourquoi défendre encore l’idée que le travail est ce qui libère quand il devient de plus en plus rare et quand il est pour une majeure partie des travailleurs ce qui broie, ce qui exploite, ce qui aliène ? Loin de proposer des aménagements au travail dans le but de le faire durer, les auteurs de cet essai « Le travail et après ? », quatre militants et intellectuels antiproductivistes, proposent de « penser contre le travail ». Car lutter contre l’idéologie du productivisme suppose de combattre l’idée qu’il faille travailler pour vivre. Rappeler ses formes aliénantes d’une part, mais aussi s’affranchir de l’activité professionnelle dans la définition de notre identité sociale, enseigner aux enfants la fin du travail ou encore commencer à établir ce que pourrait être le rôle du travail dans une société décroissante. L’ouvrage propose de nombreuses pistes de réflexion qui visent à anticiper le moment où le travail disparaitra avec le productivisme puisque cela arrivera tôt ou tard. Il s’agit de développer socialement un autre rapport au temps, à soi et aux autres, redécouvrir la notion de « métier » (qui a disparu au profit de celle de « compétence »), moins produire, moins consommer. Des analyses très utiles pour sortir du carcan mental qui limite parfois notre imagination et nos utopies, y compris dans nos milieux censés penser le monde « autrement ». Les pensées de ces quatre auteurs sont en tension, débat et dialogue permanent et ouvrent un chantier immense pour inventer de nécessaires et nouvelles formes de vie collective.
Aurélien BerthierLe travail et après ?
Rodolphe Christin, Jean-Christophe Giuliani, Philippe Godard et Bernard Legros
Ecosociété, 2017