L’épreuve de la discrimination

Quelle est l’ampleur des dis­cri­mi­na­tions et que font-elles aux indi­vi­dus qui les subissent ? C’est ce qu’un col­lec­tif de socio­logues s’est deman­dé en menant une enquête fleuve de plu­sieurs années (245 entre­tiens menés dans dif­fé­rents quar­tier popu­laires de France et, pour avoir un point de com­pa­rai­son, d’Amérique du Nord). En plus de rendre compte de « ce qu’elles font aux corps et aux âmes », à la car­rière pro­fes­sion­nelle et au rap­port aux autres et à la socié­té, l’enquête explore éga­le­ment les pro­ces­sus qui font qu’une dis­cri­mi­na­tion est per­çue comme injuste par les discriminé·es. Et par­tant, les che­mi­ne­ments pos­sibles pour abou­tir à des mobi­li­sa­tions poli­tiques qui les contestent et les com­battent. Le livre traite aus­si de la céci­té tant de la popu­la­tion géné­rale fran­çaise que des pou­voirs publics à l’égard de ce phé­no­mène en lui oppo­sant la réa­li­té scien­ti­fique d’un constat sans appel : c’est un phé­no­mène mas­sif et incrus­té dans le quo­ti­dien de mil­lions de per­sonnes en rai­son de leurs ori­gines, reli­gion, quar­tier habi­té et/ou faciès. L’ouvrage per­met d’incarner des concepts socio­lo­giques abs­traits comme ceux de classe ou de race au tra­vers de cette mul­ti­tude de récits de vies. En sui­vant les témoi­gnages et leurs ana­lyses, on se rend compte bien concrè­te­ment que l’expérience des dis­cri­mi­na­tions refa­çonne les iden­ti­tés, impacte pro­fon­dé­ment les tra­jec­toires, limite les pos­sibles. L’analyse, cen­trée sur la France, est néan­moins en grande par­tie trans­po­sable à la situa­tion belge. La tona­li­té géné­rale du livre donne ain­si une bonne bous­sole à suivre pour tout tra­vail socio­cul­tu­rel de ter­rain en lien avec le racisme et les dis­cri­mi­na­tions. Mais il peut aus­si ser­vir comme réplique à un dis­cours média­tique et poli­tique domi­nant. Car ce sont bien les dis­cri­mi­na­tions eth­no­ra­ciales qui fabriquent les replis com­mu­nau­taires et non le contraire. Ce sont ces expé­riences de mino­ra­tion qui construisent les « nous mino­ri­taires » par l’assignation per­ma­nente à une iden­ti­té à laquelles cer­tains groupes (Noirs, Arabes, Musul­mans…) sont constam­ment renvoyés.

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