L’étrange et folle aventure du grille-pain, de la machine à coudre et des gens qui s’en servent

Les machines peuplent nos mai­sons, grille-pain, machine à coudre, réveil, lave-vais­selle… une cen­taine d’appareils en moyenne par ménage ! En réa­li­sant une sorte d’histoire popu­laire de leur appa­ri­tion dans nos foyers, de leurs usages et de leurs détour­ne­ments, ce petit bou­quin écrit par deux his­to­riens des tech­niques, explore notre rap­port à ces appa­reils de toutes natures, ain­si que l’imaginaire qui leur est lié. Notre quo­ti­dien est désor­mais hyper méca­ni­sé. Des acti­vi­tés comme se laver, cui­si­ner, com­mu­ni­quer, se dépla­cer ou écou­ter de la musique, ont pour ain­si dire chan­gé de nature en deux siècles. Le livre raconte com­ment ces appa­reils nous façonnent cultu­rel­le­ment autant que nous façon­nons la culture avec eux. Car « les sys­tèmes tech­niques font et défont les liens sociaux ». En effet, on découvre com­ment ils jouent dans les rap­ports sociaux entre les domes­tiques et les bour­geois qui les emploient, entre les colons et les colo­ni­sés qui détournent des objets appor­tés par l’oppresseur, entre les hommes et les femmes, ces der­nières étant des­ti­nées à être « libé­rées » par des appa­reils ména­gers qui les attachent en réa­li­té un peu plus au foyer. Vous y trou­ve­rez aus­si la manière dont le pèse-per­sonne, d’objet public est deve­nu un objet pri­va­tif. Ou encore com­ment l’interphone a ins­tau­ré une fron­tière étanche entre l’extérieur et le domi­cile – l’adoption des appa­reils étant un indi­ca­teur très signi­fiant de la refor­mu­la­tion du lien public/privé au cours des deux der­niers siècles. À noter aus­si que notre pro­pen­sion à ne plus com­prendre com­ment ces appa­reils fonc­tionnent – et donc com­ment ils se réparent – aug­mentent. Ce qui n’est pas sans poser un sérieux enjeu envi­ron­ne­men­tal et de « sou­ve­rai­ne­té tech­nique » tant une socié­té de la répa­ra­tion est néces­saire pour un ave­nir éco­lo­gique un tan­ti­net sou­te­nable. En sui­vant la géo­gra­phie des usages, les deux auteurs dressent un pano­ra­ma des dési­rs sociaux qui se déve­loppent paral­lè­le­ment et nous rap­pelle que « le quo­ti­dien est un espace idéo­lo­gique » et d’économie poli­tique fait de négo­cia­tions, de résis­tances et de com­po­si­tion avec l’irruption tech­no­lo­gique. Par rico­chet, ce livre, très acces­sible et très plai­sant à lire, rem­plis d’allers-retours entre hier et aujourd’hui, per­met aus­si de voir notre rap­port aux enva­his­santes inno­va­tions numé­riques d’un nou­vel œil. Celui des usages et des manières de faire, de l’invention du quo­ti­dien, plu­tôt que par la fonc­tion déci­dée à l’avance par les magnats de la Sili­con Val­ley ou encore par la déplo­ra­tion militante.

Autres Popcorns "Lecture"