À 89 ans, Edgar Morin, soyez-en certains, n’entamera pas une carrière de président de la République, ou de dictateur de la pensée. On le regretterait presque… Ce sociologue et philosophe revêt pourtant l’énergie intellectuelle et la vitalité qu’il faut pour stimuler tous ceux qui s’efforcent de sortir de la « grande régression ». Si le diagnostic global est sévère pour la gauche française, il reste celui d’un ami aux propositions emballées. La situation exige une résistance qui préparerait une renaissance. Une régénération de la pensée, et singulièrement de la pensée politique, pourrait préparer un futur. Pour cela, il faut réapprendre à apprendre, il faut se rééduquer pour pouvoir éduquer. Contre toute attente, Edgar Morin a toujours répugné à ce « LA » unificateur qui précède gauche, qui selon lui occulte les différences, les oppositions et les conflits. Dans le chapitre « Si j’étais candidat », il concède que la tâche serait énorme mais indispensable dans le sens ou tout est à penser, tout est à repenser, tout est à refonder, tout est à réformer. « Je m’efforcerais de dégager la Voie d’une grande politique concernant tous les aspects de la vie (économique, sociale, individuelle) afin de ressusciter les solidarités, faire reculer l’égoïsme, et plus profondément réformer la société, réformer nos vies » écrit-il dans son ouvrage.
La gauche recouvre quatre sources d’inspiration, explique Edgar Morin, sources jusqu’à maintenant disjointes et concurrentes : le socialisme (société), le communisme (communauté) et l’anarchisme (individu) auxquelles on ajoute l’écologie. L’enjeu de ces gauches, désormais, est de se relier de façon complémentaire. Retournons aux sources de gauche, qui sont à la fois révolte et aspiration. Aspiration, non pas au meilleur des mondes, mais à un monde meilleur. Aujourd’hui, le destin de l’humanité, le destin de la biosphère, le destin de la civilisation sont liés. En effet, nous ne sommes pas seulement dans une époque de changement, nous sommes surtout dans un changement d’époque. Le système planétaire est condamné à la mort ou à la transformation. L’auteur s’appuie sur plus de quarante années de réflexion et d’interventions publiques, nous aidant ainsi à reconsidérer cette gauche qui doit relever les défis de la dégradation des solidarités, de la planète en crise et de la mondialisation.
Par les temps qui courent, l’unité est le trésor de la diversité humaine, la diversité est le trésor de l’unité humaine. (SB)
Jean CornilMa gauche
Edgar Morin
Editions François Bourin
2010