Panique à l’université

Francis Dupuis-Déri

Depuis tou­jours, nous rap­pelle l’auteur et pro­fes­seur de sciences poli­tiques Fran­cis Dupuis-Déri, l’université est un lieu tra­ver­sé par des luttes sociales et poli­tiques plus ou moins intenses. Aujourd’hui, celle-ci sont ampli­fiées par les réseaux sociaux, mais éga­le­ment par des médias concen­trés entre les mains de grands groupes qui n’encouragent pas for­cé­ment la plu­ra­li­té des points de vue. Dans « Panique à l’université », l’auteur décons­truit la der­nière panique morale en vogue dans le monde uni­ver­si­taire, le wokisme. Celle-ci ne s’y limite pas, mais Dupuis-Déri fait de l’université son champ d’études pour nous révé­ler com­ment les polé­mistes jouent à exci­ter l’opinion publique. Car, lorsqu’il est ques­tion d’antiracisme, de fémi­nisme ou encore d’intersectionnalité, ces der­niers ne cherchent pas à encou­ra­ger la réflexion ou à cla­ri­fier la pen­sée, contrai­re­ment aux uni­ver­si­taires, mais plu­tôt à gar­der le contrôle du débat public et à désta­bi­li­ser leurs adver­saires. Mais qui sont-iels, leurs adver­saires ? « La panique morale d’aujourd’hui au sujet des wokes, que l’on nous pré­sente comme un tout nou­veau fléau, s’inscrit donc dans cette longue tra­di­tion para­noïaque qui a pris pour cible les francs-maçons, les catho­liques, les Juifs, les homo­sexuels et les com­mu­nistes, réels ou fan­tas­més » nous dit Dupuis-Déri. Car­bu­rant à l’exagération et à l’hyperbole, ils s’attèlent à fabri­quer une menace dia­bo­lique. Car comme le dit jus­te­ment la fémi­niste anti­ra­ciste Rokhaya Dial­lo, « per­sonne ne se reven­dique du wokisme alors qu’il est pré­sen­té comme un mou­ve­ment ». L’enjeu pour les polé­mistes est de dis­qua­li­fier tous les mou­ve­ments sociaux autour du fémi­nisme, de l’antiracisme ou de l’écologie. Ceux-ci, en plai­dant pour la recon­nais­sance des mino­ri­tés ou pour l’égalité, voire l’équité, menacent visi­ble­ment leurs inté­rêts d’hommes blancs. Pour défendre leur pré­car­ré , ils dénoncent l’usage d’expressions telles que « racisme sys­té­mique » ou « pri­vi­lège blanc » qu’il fau­drait, selon eux, évi­ter au nom de la « liber­té aca­dé­mique » ! Ou plu­tôt la liber­té des dominant·es, aurait-on ten­dance à dire. L’auteur, affir­mant être témoin de ce type de panique morale depuis plus de vingt-cinq ans offre une ana­lyse péda­go­gique et poli­tique pour nous révé­ler « qu’il n’y a pas plus de tyran­nie tota­li­taire dans les uni­ver­si­tés que d’ogre sous votre lit ».

July Robert

Panique à l’université – Rectitude politique, wokes et autres menaces imaginaires
Francis Dupuis-Déri
Lux, 2022

 

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