Les États du Sud vivent une double injustice fiscale, à la fois nationale et internationale. Celle-ci est liée à l’histoire des structures politiques et sociales propres à la plupart des pays qui la composent. Faiblesse des États, manque de moyens humains et matériels, corruption, poids de l’économie informelle, autant d’éléments sur lesquels se plaisent à insister les grandes organisations d’aide au développement tout en mettant l’accent sur la responsabilité des États concernés. Cette attitude est d’autant plus hypocrite que ce sont souvent les mêmes organisations qui ont défendu, voire imposé les politiques néolibérales qui ont largement contribué à aggraver les problèmes en question. Une telle approche ignore les facteurs externes qui expliquent aussi la situation fiscale du Sud, et qui sont liés à la position périphérique qu’occupent la plupart de ces États au sein de l’économie politique mondiale. Ensuite, elle fait de ces États le terrain de jeu privilégié d’une finance « offshore » c’est-à-dire qui n’hésite pas à en exploiter les faiblesses administratives et règlementaires au détriment des populations locales et de leur environnement. Enfin, elle se manifeste d’un point de vue politique et institutionnel, les États du Sud étant les grands perdants d’une « gouvernance fiscale mondiale » dominée par le Nord et la finance. Les mesures à prendre (d’une exigence de transparence et d’échanges de données fiscales à une dénonciation des traités de libre-échange) face à ce phénomène sont scrupuleusement examinées dans ce numéro. Elles permettent de réfléchir aux contours et aux conditions de possibilité d’une « justice fiscale » réellement émancipatrice.
Sabine BeaucampQuelle justice fiscale pour le Sud ? - Points de vue du Sud
Ouvrage collectif
Alternatives Sud, Volume 26
Syllepse/Centre Tricontinental, 2019