Ce texte est issu d’une conférence donnée par le sociologue français engagé à gauche Geoffroy de Lagasnerie sur nos pratiques et tactiques militantes. Grève, manifestation, pétition, lobbying etc. sont examinés à l’aune de leur portée et leur efficacité dans le contexte et le rapport de forces actuel. C’est une réflexion très stimulante qui bat en brèche certains rituels militants et qui permet d’esquisser des pistes stratégiques différentes pour espérer des combats victorieux à l’avenir. Car de Lagasnerie fait le constat d’une succession de non-victoires (lorsque nous avons simplement réussi à empêcher une « réforme » en notre défaveur) et de beaucoup de défaites sociales (quand nos mobilisations n’ont rien donné). Comment dès lors sortir des automatismes militants qui nous amènent à jouer un jeu de rôle bien huilé mais peu porteur en termes de changement social ? Et comment repartir à l’offensive, c’est-à-dire imposer un agenda progressiste au monde politique, et non plus être dans une position défensive nous obligeant à protéger un existant pourtant peu satisfaisant lui non plus ? Par ailleurs, alors que nombre de militant·es de gauches ont tendance à abandonner des positions socioprofessionnelles au nom de l’idée selon laquelle on ne peut rien changer de l’intérieur, le sociologue discute de nos capacités à regagner des lieux stratégiques dans la société actuelle, largement droitisée. Ainsi, voir des personnes engagées à gauche occuper des postes à responsabilité : dans les médias, comme professeur·es d’université, haut-fonctionnaires dans les administrations, commissaires et chef·fes de police ou encore dans la justice (on a assez d’avocats de gauche, il nous faut à présent beaucoup plus de juges de gauche plaide-t-il). Cela permettrait autant de postes et d’avant-postes de combat permettant de faire avancer, dans des situations concrètes et lignes de force, les causes pour lesquelles des manifestations ou cartes blanches dans la presse ne feront rien, ou si peu.
Aurélien BerthierSortir de notre impuissance politique
Geoffroy de Lagasnerie
Fayard, 2020