Dans cet ouvrage en néerlandais intitulé Spektakeldemocratie (la « démocratie du spectacle »), le philosophe et journaliste flamand Thomas Decreus montre comment ces derniers temps la démocratie a transformé le peuple en un public en attente d’un spectacle fourni par les hommes et femmes politiques devenus artistes, voire bouffons. Or, si les bouffons ont toujours existé, ils prennent à présent le pouvoir non pour diriger mais pour disposer d’un podium. Et tout ceci n’est pas sans conséquence : le conflit politique devient un produit commercial et cesse d’être l’expression de points de rupture idéologiques fondamentaux au sein de la société. Les campagnes électorales prennent une forme permanente. Et quiconque veut conquérir le pouvoir politique doit obéir aux lois impitoyables des médias commerciaux (plateformes). Avec pour résultat un système politique qui est propulsé par la provocation et le sensationnel. Un système qui produit des personnages comme Donald Trump, Thierry Baudet, Theo Francken, Boris Johnson ou Matteo Salvini (mais aussi George-Louis Bouchez) et dans lequel le citoyen n’est qu’un consommateur. Si les médias sociaux sont souvent les initiateurs de ces contenus, les médias traditionnels ne sont pas en reste et fonctionnent comme accélérateurs. Autre résultat notoire : cette spectacularisation rend de plus en plus difficile la constitution de gouvernements stables et durables puisque la campagne électorale est permanente. En somme, le spectacle neutralise tout changement politique pour le remplacer par le sentiment que les choses peuvent changer. Face à cela, l’auteur estime qu’il faut créer une démocratie plus démocratique en la ramenant à ses origines : la rue, la barricade et le soulèvement. Une lecture salutaire et hautement actuelle en espérant sa traduction prochaine en français.
Olivier StarquitSpektakeldemocratie
Thomas Decreus
Epo, 2020