
Stanley est employé de bureau où il frappe quotidiennement sur les touches de son clavier en suivant le rythme indiqué par son écran. Jusqu’au jour où plus aucun ordre ne lui parvient et que tous ses collègues ont disparu. Qu’est-il arrivé ? Stanley va-t-il déjouer une terrible oppression ? Et pourquoi une voix commente-t-elle toutes ses actions voire les devance-t-elle ?
Issu d’un mod, un programme modifiant un jeu, du très populaire Half-Life 2 (Valve, 2004), Stanley Parable est rapidement devenu un classique du jeu vidéo. Ce succès, critique et public, tient autant à ses qualités ludiques qu’à sa brillante déconstruction des codes du média. Le titre de Davey Wreden et William Pugh questionne en effet la notion de liberté au sein des jeux vidéo, à la fois comme idéologie mais surtout comme action : que peut l’individu dans un espace numérique où tout est déjà créé et dont le design cherche en permanence à lui faire vivre une certaine expérience ? Le joueur est sans cesse renvoyé à ses habitudes acquises, à ses actes, à son action physique qui se résume à appuyer des touches en obéissant au game design à la manière de son avatar pris dans un job aliénant… Et de nombreuses mises en abîme appuient ce questionnement, notamment lorsque l’on débouche dans le jeu dans un musée virtuel retraçant la création de The Stanley Parable.
Plus largement, le jeu déploie aussi une critique acide et assez désespérée du néomanagement, cette manière de gérer les travailleur-euses en prétendant les épanouir et les responsabiliser. Avec une nouvelle manière de parler où les mots camouflent la domination derrière des idées de liberté, ce que met parfaitement en scène le jeu si vous obéissez à la voix. Une nouvelle manière d’atomiser et de précariser qui détruit les employé·es pour les empêcher de contester.
Julien AnnartThe Stanley Parable
Galactic Café, 2013