Ulrike Lune Riboni s’intéresse à l’usage des vidéos dans des contextes contestataires et notamment pour dénoncer les violences policières dont les exemples se multiplient depuis quelques années (et que la vidéo permet justement de prouver). Dans son livre Vidéoactivismes, elle développe une histoire politique des pratiques audiovisuelles militantes. « Arracher l’image au pouvoir et se la réapproprier et, ainsi, mobiliser » constitue un fond commun à différentes périodes d’usage du cinéma et de la vidéo : par les partis d’abord (en particulier communiste), bientôt suivis par des collectifs engagés qui filment la lutte sociale. Avec l’avènement de la prise de vue légère (le super 8 d’abord puis le caméscope), il devient possible pour des militant·es, des collectifs et même des « anonymes » de produire des images. Son livre est notamment intéressant pour comprendre la dynamique actuelle à l’œuvre sur le net. Documenter et partager, rendre visible même si aujourd’hui la portée politique est parfois donnée après-coup à des images prises sur le vif par des personnes qui ne sont pas spécialement politisées. Reste après, et c’est l’objet de plusieurs pans de son étude, à voir à quelles conditions la vidéo peut s’avérer efficace pour contester inégalités et oppressions. Ainsi que pour susciter indignation et mobilisation. Dans ce cadre, on s’aperçoit que rien n’est automatique ni magique et qu’il ne suffit pas de filmer et partager pour que les choses changent. Une intéressante réflexion sur le pouvoir des images dans et pour les mondes militants, et un rappel important à construire de nouveaux régimes de représentations. Utile pour les professionnel·les de l’image comme pour les militant·es qui se servent de ces outils vidéo pour faire bouger les lignes.
Aurélien BerthierVidéoactivismes - Contestation audiovisuelle et politisation des images
Ulrike Lune Riboni
Amsterdam, 2023