Anne Teresa De Keersmaeker est une figure majeure de la danse contemporaine mondiale. Après des études de danse à l’école de Maurice Béjart à Bruxelles ainsi qu’à New York University of Art, elle crée à 22 ans, son spectacle Fase et un an plus tard, sa compagnie Rosas. En 1995, elle fonde l’école de danse PARTS à Bruxelles. La chorégraphe n’hésite pas à puiser dans notre héritage culturel, empreint de sciences et de mémoire. Ces dernières années, Anne Teresa De Keersmaeker suit un parcours placé sous le signe de la remise en question et la clarification des paramètres fondamentaux de son travail de chorégraphe.
ROBE NOIRE ET PETITE CULOTTE BLANCHE
À ses tous débuts, Anne Teresa apprenait à fabriquer une danse, elle partait de rien, très concrètement la musique de Steve Reich a été pour elle une forme d’auto-apprentissage. Elle aimait particulièrement la structure de cette musique, son aspect à la fois répétitif et incarné, c’est aussi une qualité que l’on retrouve chez Bach (clin d’œil à sa création en préparation). Anne Teresa a réalisé quatre pièces dans lesquelles elle dansait en robe noire laissant entrevoir la petite culotte blanche (son habit de scène, sa touche personnelle qui faisait sa singularité dans le monde de la danse) plus tard pour des raisons diverses, elle a dû prendre du recul, c’est alors qu’elle a travaillé en tant que chorégraphe, puis quelques années plus tard elle est revenue à la danse avec cette question à l’esprit « où en est ma danse à l’heure actuelle ? ».
Dans sa nouvelle création Partita N°2, Ce qui l’intéresse dit-elle, « c’est que d’une part la danse permette de visualiser la structure de la partition, ses fondations en quelque sorte. Et en même temps, que l’on puisse jouer sur tous les niveaux les plus directs de la musique. Pouvoir suivre par moments l’aspect immédiat de ce que la musique produit dans nos corps : les envolées, les vertiges, le plaisir physique, la réponse la plus immédiate au son. On retrouve ce qui m’intéressait chez Reich en un sens : la pureté de la composition mathématique, et en même temps, l’aspect sensible, presque douloureux par moments. L’aspiration du corps par cette musique, du corps dans toutes ses limites, tout son désir d’atteindre cette musique, de fusionner avec elle ».
Les étroites collaborations d’Anne Teresa avec des artistes comme Alain Franco (Zeitung, 2008), Ann Veronica Janssens (Keeping Still part 1, 2008, The song, 2009 et Cesena, 2011), Michel François (The song et En Attendant, 2010), Jérôme Bel (3Abschied, 2010) et Björn Schmelzer (Cesena, 2011) lui inspirent une réflexion sur les éléments essentiels de la danse : le temps et l’espace, le corps et sa voix, sa capacité à se mouvoir et son rapport au monde.
Anne Teresa De Keersmaeker travaille sans relâche, au-delà de la performance, c’est tout son être qu’elle engage dans la danse. Pour mieux faire connaissance avec son travail et sa personnalité, elle a sorti en mai dernier un livre « Carnets d’une chorégraphe » ainsi qu’un coffret de 4 dvd « Early Works ». La chorégraphe s’entretient avec la théoricienne du spectacle et musicologue Bojana Cvejic, afin de détailler les principes chorégraphiques de ses quatre premières œuvres (1981 – 1986) : Fase, Rosas danst Rosas, Elena’s Aria, Bartok. Les dvd proposent quant à eux des démonstrations dansées d’Anne Teresa et des extraits de spectacles où les explications se mettent elles-mêmes à danser !
Carnets d’une chorégraphe, publié par le Fonds Mercator et Rosas