Décrocher la Lune

Par Jean-François Pontegnie

Illustration : Vanya Michel

Depuis que l’homme est homme, il lève la tête et contemple le ciel. Et un désir le démange : voler. Ain­si sommes-nous faits. Depuis Icare jusqu’aux machines volantes de Léo­nard de Vin­ci – dont il vaut mieux contem­pler les plans que les essayer – tout témoigne de notre envie de nous éle­ver. C’est la nature humaine.

Il a fal­lu attendre 1903 et les frères Wright pour qu’enfin un avion décolle et puisse être plus ou moins contrô­lé – pour l’atterrissage, c’est mieux. Et à quoi doit-on cette réa­li­sa­tion ? Au pétrole. Ah, ah : ça, c’est une leçon ! Après, ça s’est vache­ment accé­lé­ré. 66 ans seule­ment pour qu’on admire le vol ini­tial du Concorde, sum­mum de l’aviation, dont seule­ment 113 pas­sa­gers sont morts dans un p’tit crash. ça arrive à tout le monde.

Puis, comme tou­jours, ça a com­men­cé à chi­po­ter sur les pol­lu­tions et tous ces machins. Mais qu’on ne panique pas : le sec­teur de l’aviation y tra­vaille. Par exemple, en 2023, une com­pa­gnie belge a lan­cé des avions plus durables et silen­cieux : 30 % de kéro­sène et 50 % de bruit en moins. Bon, y’en n’avait que trois et les pré­cé­dents ont été reven­dus à on ne sait trop à qui. Mais sûr !, c’est par­ti pour de nou­velles aven­tures aériennes éco­lo­giques ! Le salon du Bour­get 2023 l’a démon­tré : les avions sont par­tis comme des p’tits pains – une « pluie de com­mandes » qu’on lisait dans le journal.

On n’a pas ces­sé pour autant de rêver à la Lune. En 1961, Gaga­rine est le pre­mier humain à faire le tour de la terre en orbite. Les USA, qui ont un léger conten­tieux avec l’URSS de l’époque, sont vexés et le 21 juillet 1969, ils déposent des hommes sur la lune : un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité et tout ça. En 1972, on envoya aus­si un véhi­cule moto­ri­sé, ça s’appelait un « rover ». On le sait, c’est pra­tique les bagnoles : pour­quoi s’en pri­ver sur la Lune ?

Et on ne s’arrête pas là : les satel­lites sont envoyés par paquets en orbite ter­restre et des sondes diverses et variées s’en vont explo­rer l’infini. Et au-delà. Pour l’instant, c’est le téles­cope spa­tial James Webb qui bat tous les records et envoie des images épous­tou­flantes de nais­sances d’étoiles et autres phé­no­mènes étranges de l’univers. Dont coût, dans les 10 mil­liards d’euros, faut ce qui faut.

On ne fait pas non plus d’omelettes sans cas­ser d’œufs. En témoignent – enfin, façon de par­ler – l’équipage d’Apollo 1, car­bo­ni­sé lors d’un essai ou les 22 spa­tio­nautes morts en vol (on men­tionne pour mémoire, les 11 morts à l’entrainement). Mais, après tout, ils savaient ce qu’ils fai­saient. N’empêche, tout ça a dou­ché les enthou­siasmes et, tris­te­ment, on s’est conten­té des satel­lites. Depuis 1957, on en a mis genre 12 000 en orbite. Ça coûte chaud, alors main­te­nant on s’en sert sur­tout pour des mis­sions mili­taires et les télé­com­mu­ni­ca­tions (ça, ça finit par rap­por­ter un max de blé).

Tout sem­blait per­du pour les pro­me­nades lunaires, mais est arri­vé le génie suprême, Elon Musk, qui, doté d’une solide conscience éco­lo­gique, non seule­ment construit des fusées réuti­li­sables (des Star­ship, ça s’appelle) mais entend bien déve­lop­per les voyages tou­ris­tiques : La Lune est de retour ! Ceci dit, moi, je vais patien­ter encore, parce que par­fois ses machines, à Elon, elles explosent un peu (mais c’est pré­vu). Un jour, ça ira.

Et alors, comme d’hab’, viennent les grin­cheux. Et qu’est-ce que c’est que ces fusées (et ces avions tant à rous­pé­ter) qui nous détraquent le temps, et qu’est-ce que c’est que tout ce bruit qui dérange les bébêtes, et qu’est-ce que c’est que tout cet argent dépen­sé, et qu’est-ce que ça sert à quoi tout ça ? Bla, bla, bla… Depuis tou­jours, on le sait, il y a eu des rétro­grades, accro­chés à leur lopin de terre, trouillards presque indignes de notre noble huma­ni­té capable, elle, d’envoyer 180 fusées dans l’espace en l’an 2022. Et dési­reuse de faire bien mieux cette année et les suivantes.

Mais, Bon Dieu ! Quand com­pren­dront-ils que le pro­grès est dans la nature humaine et que sans lui on serait tou­jours en train de taguer des gazelles dans les grottes ?

Mer­ci Elon, grâce à toi on est repar­ti pour décro­cher la Lune ! N’en déplaise aux ronchons.