Il y a d’abord eu cette bonne soirée d’octobre 2017 entre boomers, des débats sans fin et puis cette sentence lorsqu’un des convives déclare le montant de sa pension. On est en deçà de la survie. La stupéfaction ne fige pas ces sexa-septua-octo-nonagénaires qui se mettent en tête d’exiger le respect — si pas pour eux (ils ne sont pas dupes de la lenteur comme arme du pouvoir) pour leurs enfants et les générations à venir. Ce qui aboutira à la création en 2018 du « Gang des Vieux en Colère » / « Gang van de Razende Ouderen ». C’est comme si nous, Vieilles et Vieux soixante-huitards, avions attendu l’année anniversaire de Mai 68 pour créer un nouveau mouvement citoyen contestataire !
Quelques Vieux se rêvent en Robin des Bois, Zorro ou Arsène Lupin. Les plus pugnaces affûtent leurs plumes pour interpeller qui de droit, des joyeux drilles montent des actions qui font rire et réfléchir. Des lettres ouvertes sont envoyées aux plus hautes autorités du pays et des Régions, une liste de revendications très précises est diffusée via les réseaux sociaux, dans les médias qui s’intéressent de plus en plus au mouvement après l’avoir regardé avec un sourire poli. Car les Vieux bougres tapent exactement sur ce qui coince dans notre système : Sécurité sociale, pensions et santé en tête du cortège des indignations. C’est un combat dédié aux générations futures. Les vieux d’aujourd’hui sont définitivement condamnés par manque de temps.
ET LA LUTTE S’ORGANISE, EN DANSANT
Les apparitions médiatiques des gangsters, qui ont choisi l’humour comme arme de poing, font d’abord rire, puis elles interpellent de plus en plus de citoyens peu accoutumés à la protestation, mais qui ne se sentent plus respectés. Nos exigences titillent les syndicats, les observatoires et les associations liés au monde des séniors. Au fur et à mesure des actions, le Gang mène sa barque indignée et s’impose peu à peu dans le débat.
Nos actions « ludiques » (chansons, grimages, danses, déguisements), notre humour sont de belles armes — et pas seulement celles du désespoir. Plus brutal serait, pour ces Vieilles et ces Vieux Gangsters en Colère, se tirer une balle dans le col du fémur. L’humour, c’est l’arme fatale qui déboulonne les grands, par traitrise, de biais ou de dos.
Nous avons déjà engrangé quelques victoires. D’abord, le ralliement de tous les mouvements sociaux à une réelle revalorisation du « minimum pension de retraite égal pour tous, net, lié au bien-être ». Mais nous avons aussi obtenu l’abandon du projet gouvernemental d’une « Charte Senior » dans le cadre de la crise du Covid-19, celui des contrôles GRAPA par les facteurs ainsi que la fin du scandaleux système « Pension à points ».
Avec la crise du Covid-19 et son cortège d’infamies infligées aux Vieux et aux Vieilles, notamment dans les Maisons de Repos, nous avons carrément le vent en poupe. Et, si le monde politique semble toujours craindre l’affrontement en restant au balcon, le monde médiatique, journaux, radio, TV, tous s’arrachent désormais nos propos mi-rigolards, mi-graves. À ce jour, le Gang comptabilise plus de 14.000 membres et sympathisant·es en Belgique. Le virus a sans doute un peu décimé les rangs, mais le mouvement n’en ressort que plus combatif. Sitôt vaccinés, nous lancerons de nouvelles actions que nous préparons en ce moment même…
POURQUOI NOUS SOMMES DEVENUS DES GANGSTERS
Dès l’instant où ceux qui nous gouvernent se comportent comme des voyous en déclarant la guerre aux Vieux, il faut qu’il y ait un Gang en face pour obtenir réparation. Nous revendiquons en priorité : le maintien et l’amélioration du système de la pension par répartition ; La pension à 65 ans avec la possibilité, uniquement pour ceux qui le souhaitent, de travailler au-delà de 65 ans ; Le relèvement du montant minimal de la pension de retraite pour tous et toutes à 1.680 € net ; L’individualisation des droits pour tous ceux qui souhaitent cohabiter pour raisons économiques et donc la suppression du statut de cohabitant.
Depuis le début de la crise liée au Covid-19, nous avons pu observer l’infamie qui a consisté à montrer les Vieux du doigt en les accusant de l’aspect draconien des mesures et du crash économique. Alors même que c’est surtout l’état déliquescent de notre système santé qui est le seul responsable du confinement et qu’il faut faire un 180° toutes ! Il faut maintenir et surtout améliorer notre système de Santé publique et de Sécurité Sociale : quand on ne prévoit pas, on ne gouverne pas !
Dans les Maisons de Repos, on profite de chaque reconfinement pour refuser aux Vieux le déconfinement accordé aux autres citoyens… On s’étonne de voir les Vieux et les Vieilles mourir en grappe pour cause de glissement. On avait déjà tout dit, tout imaginé, sauf… que certains New Managers en milieux gériatriques en ont profité pour fermer les portes de leurs établissements, s’opposant à tous constats, tous regards extérieurs, toutes critiques. Oui, ils ont tué plus de Vieilles et de Vieux que le virus !
Nous nous alarmons avec la Ligue des Usagers des Services de Santé, la Ligue des Droits Humains, MSF ou Amnesty des multiples témoignages de maltraitance envers nos ainés placés en service gériatrique, Maison de Repos ou Maisons de Repos et de Soins, visant surtout les plus désorientés. Si dans certains établissements il est fait état d’excellents services rendus à la personne par le personnel soignant, dans d’autres une maltraitance apparentée à de la torture, imposée par un New Public Management, y est trop souvent constatée. Actes médicaux et infirmiers dévastateurs (administration de neuroleptiques à haute dose, contrainte des langes entrainant l’incontinence…), destruction systématique des prothèses (lunettes, dentiers, appareils auditifs), négligence, humiliation, grossièreté, brutalités, isolement, contention physique et chimique, absence d’hygiène, alimentation carentielle, refus de traiter, douleurs et maladies résultant de la maltraitance se rencontrent dans de nombreux établissements à travers le pays.
Ces institutions en défaut sont souvent les mêmes qui pratiquent l’opacité vis-à-vis des proches, tout en investissant massivement dans une propagande clientéliste relayée par les organes supposés informer le public. Résultat du sous-effectif flagrant de personnel soignant autant que bien trop souvent de la non-qualification des aides-soignants, cette situation est presque toujours liée à la marchandisation de la fin de vie.
Nous demandons donc l’interdiction d’enfermer les Vieilles et les Vieux dans un établissement gériatrique, sans l’existence d’un arrêté royal spécifique et limité dans le temps. Il est urgent que la Belgique ratifie le protocole OPCAT [Protocole facultatif de la Convention des Nations Unies contre la Torture NDLR]. Parce que nous refusons qu’au 21e siècle, une quelconque forme de maltraitance apparentée à de la torture soit appliquée aux vieilles femmes comme aux vieux hommes parce que considérés hors service par un management néolibéral !
Retrouvez les actions et revendications du Gang des vieux en colère sur leur site www.gangdesvieuxencolere.be.