Le parcours de l’expo « 100 x Congo » s’appuie et propose une double lecture du passé congolais. À la fois, autour des 60 ans de l’indépendance du Congo (après 75 ans de colonisation belge de 1885 à 1960) et les interventions de chercheurs·euses et artistes congolais·es sur la collection du MAS, mais aussi autour du centenaire de l’acquisition des tout premiers objets congolais par la ville d’Anvers dont l’expo retrace scrupuleusement l’itinéraire. Aujourd’hui, si le MAS ne va pas jusqu’à proposer la restitution de certaines de ses pièces, il reste en tout cas « ouvert » à la question.
L’expo « 100 x Congo » est-elle conçue comme un symbole de la résistance des peuples Kongo d’Afrique centrale ?
J’ai travaillé sur « 100 x Congo » avec Els De Palmenaer. Cette exposition a comme objectif de présenter au public des objets culturels originaires du Congo. Ces objets symbolisent la diversité et la créativité des différents peuples congolais. Bien qu’ils ne se trouvent plus au Congo, ces œuvres permettent de mettre à mal l’opinion selon laquelle les Congolais n’auraient pas d’histoire avant la colonisation. Les 100 pièces phares de l’expo prouvent en effet que c’est faux. Et cette histoire africaine est riche, sinon elle ne serait pas présente au travers des objets d’art dans des musées en occident.
Est-ce que le MAS « règle ses comptes » avec l’héritage colonial de la Belgique ? Lance-t-il une forme de décolonisation des musées ?
Le MAS conserve une collection africaine de 15000 objets dont 5000 proviennent du Congo. Cette collection a vu le jour en 1920, en pleine période coloniale. À l’occasion de ce centenaire, le MAS décide d’aborder d’une façon transparente et critique le passé colonial de la Belgique, avec une perspective anversoise et artistique. Il ne s’agit pas de régler des comptes, mais plutôt de contribuer au débat d’actualité sur la colonisation et la décolonisation.
Suite au mouvement antiraciste Black Lives Matter et aux expressions du Black Power dans le sillage de la mort de Georges Floyd, une commission parlementaire a été formée pour examiner tous les aspects de la colonisation belge. Y sera-t-il question de la restitution des œuvres d’art spoliées au Congo ?
La création de cette commission parlementaire est un évènement historique. Il s’agit d’un pas important de la Belgique bien décidée à se pencher sur son passé colonial au Congo ainsi qu’au Rwanda et au Burundi. Il y est question de l’impact de la colonisation et la suite à donner à ce passé. La présence des œuvres africaines dans les collections d’art en Belgique est reprise comme thème dans la résolution de la commission. Dans ce cadre, je pense que la question de la restitution sera abordée, même s’il s’agit d’un sujet délicat. Mais il est important d’impliquer les Africains des trois anciennes colonies dans les discussions, et ce pour sortir du cadre belgo-belge.
Le MAS est-il prêt à restituer certaines de ses pièces ? Retrouveront-elles le chemin du Congo un jour ? Et si cela devait être le cas comment concrètement cela se passerait-il ? Quel serait le rôle des Congolais dans cette décision ?
Le MAS conserve la collection congolaise qui est depuis 100 ans la propriété juridique de la ville d’Anvers. Dans le guide de l’expo, le musée informe le visiteur qu’il est ouvert à la restitution mais je tiens à souligner que restituer des œuvres relève d’une décision politique, donc la responsabilité des autorités politiques d’Anvers est engagée. L’échevine de la Culture l’a déjà signalé à plusieurs reprises : si le Congo adresse à la ville d’Anvers une demande officielle de restitution des œuvres, la question sera examinée. À présent, il reste à savoir si la restitution est une priorité pour les dirigeants congolais. Je ne pense pas. Jusqu’à maintenant il n’y pas eu de demande, même si certaines organisations de la diaspora, comme Bamko (Centre de réflexion et d’action sur le racisme anti-noir·es) lutte pour cette restitution dans le cadre d’un processus de décolonisation. Le Congo devrait se prononcer parce que ce n’est pas au musée de choisir et décider quelles œuvres doivent retourner là-bas ou non. Les Congolais doivent faire ce travail de mémoire. Si la Belgique arbitre seule sur les conditions de restitution, nous ne sortirons pas de la logique paternaliste. Pourtant c’est bien cette logique qu’il faut briser 60 ans après l’indépendance du Congo.
100 x Congo. Un siècle d'art congolais à Anvers
(Du 3/10/2020 au 12/09/2021) - www.mas.be