Quel est le problème avec l’azote en Flandre ?
C’est une question très traitée dans les médias flamands, beaucoup moins côté francophone. Elle est notamment liée à l’élevage intensif de porcs, bovins et poules très présents au nord du pays et qui émettent la majeure partie d’un gaz polluant : l’azote. L’élevage intensif produit en permanence un volume énorme de lisier. Cela entraine des effets délétères en matière d’environnement particulièrement en matière de nitrates et d’azote. Une réglementation européenne demande à tous les États membres à ce que les seuils acceptables d’émissions d’azote soient fortement abaissés, notamment au niveau des zones protégées par la législation européenne comme les zones Natura 2000.
Présent dans le fumier et dans le lisier, l’azote est indispensable dans le développement des plantes. C’est un fertilisant utile mais qui, en quantité excessive, provoque à terme des pertes de productions agricoles, et aussi une pollution des cours d’eau via la libération de métaux lourds dans le sol. L’élevage intensif dans le nord du pays produit une quantité astronomique d’azote : 90 % des porcs belges se trouvent en Flandre.
Qu’est-ce que « l’Arrêt Azote ? » qui a tout démarré ?
L’Arrêt Azote date de 25 février 2021. Il s’agit d’un arrêt d’une quarantaine de pages du Raad voor Vergunningsbetwisting (c’est-à-dire le Conseil des litiges pour l’octroi des permis), une juridiction administrative de la Région flamande. Sur la base des règles et décisions prises au niveau européen, l’arrêt remet en cause le mode de calcul des émissions d’azote utilisé jusqu’à présent pour octroyer les permis aussi bien agricoles qu’industriels par le gouvernement et les autorités flamandes.
Outre ce Conseil des litiges, qui joue un rôle majeur, le Conseil d’État et bien sûr l’Union européenne jouent également leur partition dans l’évolution de ce dossier complexe. Ce qui se passe en la matière aux Pays-Bas influence également l’approche flamande du dossier.
Avec cet « Arrêt Azote », des plans d’extension ou les projets de nouvelles implantations tant agricoles qu’industrielles n’allaient plus être acceptés. Des fermetures pures et simples étaient aussi envisagées. Le Gouvernement flamand a donc dû réagir. Une première version d’un « plan Azote » a alors péniblement vu le jour en février 2022.
Ce Plan azote défraie en effet la chronique au nord du pays depuis plus d’un an. Qu’est-ce qui est sur la table ?
Le texte du premier plan, celui de février 2022, rédigé par la ministre de l’Environnement et de la Justice Zuhal Demir (N‑VA), prévoit notamment la fermeture d’ici à 2025 de 41 exploitations agricoles intensives situées à proximité de zones Natura 2000. Il faut savoir que la Flandre héberge 47 sites Natura 2000 dont 38 sont considérés par la Commission européenne comme étant dans un « état de conservation déplorable ». Quelque 120 autres exploitations sont invitées à cesser leur activité sur base volontaire d’ici à 2026. De coûteuses indemnisations sont envisagées pour compenser ces arrêts d’activités dans des secteurs surtout liés à l’agro-business. Des milliers d’autres exploitations devraient par ailleurs prendre des mesures pour réduire leurs émissions d’azote, y compris par une réduction du cheptel. Pour l’élevage porcin, on vise ainsi une réduction du cheptel de 30 % d’ici à 2030. Une enveloppe colossale de 3,6 milliards d’euros est prévue pour aider financièrement les agriculteurs concernés. Il y a donc une véritable remise en cause du modèle agricole flamand intensif.
Cette première version du plan a conduit à de nombreuses difficultés et frictions politiques. Notamment et particulièrement avec le CD&V qui a fait obstruction en étant fortement soutenu par le syndicat des agriculteurs, le Boerenbond. Ce plan a été pris en grippe par les éleveurs de bétail qui menacent de l’attaquer via un recours devant la Cour d’Arbitrage.
Quelles mesures ont été prises par le gouvernement flamand suite à ces premières protestations ?
Suite aux remous provoqués par la première version du Plan Azote, y compris au sein du gouvernement flamand, une deuxième mouture a été conçue par la ministre. Qu’est-ce qui a changé ? Pas grand-chose. Au lieu de se fixer comme objectif 50 % en moins d’azote pour 2025, le nouveau plan reporte cette échéance à 2030… D’ici là, il faudra procéder à des études pour trouver des aménagements plus fiables. Certaines entreprises agricoles devront de toute façon procéder à la fermeture de leur exploitation d’ici 2025.
Soulignons d’ailleurs que ce plan deuxième mouture doit encore être concrétisé par un décret. On n’a de toute façon pas fini d’entendre parler de ce sujet en Flandre et aux Pays-Bas, les deux territoires étant tous deux clairement champions européens en matière d’émissions d’azote.
Quelles conséquences politiques cela produit ?
Ces dernières semaines, notamment dans une carte blanche dans le journal « De Tijd », la ministre Demir (N‑VA) a clairement désigné l’Europe comme étant la responsable des mesures sévères accompagnant le Plan azote. Elle rejette notamment la faute sur Frans Timmermans, actuel Commissaire européen à l’Action pour le climat. En même temps, elle a pratiqué la politique de la chaise vide lors de 9 réunions des ministres européens de l’agriculture. Actuellement, il n’y a donc plus vraiment de position belge en matière d’environnement, en l’absence de position commune entre la Flandre et la Wallonie, due il est vrai aux positions de plus en plus extrêmes de la NV‑A, qui estime que la politique environnementale européenne est contraire aux intérêts de la Flandre. Du coup la Belgique s’abstient à chaque vote.
La question de la répartition des efforts entre l’agriculture et l’industrie semble aussi être un nœud ?
En effet, le monde agricole est furieux car il estime qu’il doit fournir tous les efforts, et pas l’industrie. Problème : la source des émissions d’azote est à plus de 70 % d’origine agricole, le reste étant causé par l’industrie et la circulation routière. Il est en fait techniquement plus facile de faire diminuer l’oxyde d’azote de l’industrie que l’ammoniac (dont l’azote est l’un des composants) de l’agriculture. Le nouveau plan azote continue à tolérer un dépassement de 1 % des valeurs admissibles pour l’industrie, contre 0% pour l’agriculture. La ministre Zuhal Demir (N‑VA) apparait ainsi plus sensible aux intérêts des industriels qu’à ceux des agriculteurs.
Est-ce que dans le sud du pays l’azote fait débat ?
En Wallonie, cette question suscite peu de débats. Le plan azote du gouvernement wallon a été discuté et approuvé sans bruits. Il faut dire que la structure agricole y est très différente, par exemple la proportion de l’élevage de porcs est très minime en Wallonie. Il n’y a pas de concentration dans une région, mais il y a bien sûr une législation qui existe et qui n’octroie pas nécessairement des permis d’environnement pour exploiter ce type d’élevage.