En formation

Ce docu (nor­ma­le­ment sur les écrans en sep­tembre 2021) de Sébas­tien Magnier et Julien Meu­nier suit l’année sco­laire d’une pro­mo d’étudiant·es du Centre de For­ma­tion des Jour­na­liste (CFJ) de Paris. La ques­tion « se forment-ils ou se conforment-ils ? » guide cette plon­gée dans la fabrique de ceux et celles qui vont façon­ner l’info. Car l’apprentissage semble tout orien­té vers le sto­ry­tel­ling, cet art de racon­ter des his­toires. L’obsession, c’est celle de cap­ter l’attention, d’attirer le cha­land. On les pré­pare à un monde où la dimen­sion de diver­tis­se­ment des médias y est acquise, où les « belles images » sont celles qui font sen­sa­tion plu­tôt que sens. Le docu raconte donc aus­si en creux la pré­ca­ri­té des condi­tions de tra­vail et l’usinage de l’info qui les attendent. On leur enseigne à pal­lier le manque de temps en frap­pant l’auditeur par des accroches et pun­chlines. On les entraine à bien pas­ser à la camé­ra ou à être agréable au micro grâce au « ton jour­na­liste », si sou­vent raillé mais qui pour­tant devient la res­source sûre de cette nou­velle géné­ra­tion des­ti­née à nous infor­mer. On les fait répé­ter encore et encore leur texte, comme au théâtre, avec rythme et into­na­tions ; la teneur des atro­ci­tés annon­cées se diluant à force d’être mises en boite. Il s’agit d’apprendre une manière d’être, de dire l’info, de la mettre en scène : être jour­na­liste se résume alors une per­for­mance. La méca­nique va, salu­tai­re­ment, se bri­ser quand confronté·es à l’hyper-évènement des atten­tats du 13 novembre, les étudiant·es sortent des fonds verts du stu­dio et lâchent les dépêches pour la rue ou l’hôpital. Cette expé­rience de drames incar­nés va enfin les ame­ner à se ques­tion­ner sur leur métier, sur les manières de faire, sur la nature de l’info. Pour­quoi fau­drait-il tout rat­ta­cher à l’émotion ? Un moment inopi­né de construc­tion théo­rique et éthique qui manque cruel­le­ment à ces for­ma­tions, plus essen­tiel sans doute que de pas­ser des mois à sin­ger les pré­sen­ta­teurs. Alors, il devient pos­sible de ne plus (se) racon­ter d’histoires.

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