« Dessine-moi un clitoris… » annonce l’intervieweuse. « Ça ressemble à un continent ! », « En fait je ne sais pas trop comment faire glisser mon crayon ! » déclarent les douze jeunes femmes du film âgées de 20 à 25 ans. De ce constat d’impossibilité à le dessiner naissent beaucoup de questions : d’où vient cette ignorance et comment avoir une sexualité épanouie dans ces conditions ? Car le clitoris, contrairement au pénis, on ne le voit pas, on le connaît peu, il est invisible. Et invisibilisé. Parle-t-on de la sexualité féminine, de l’orgasme — qui est toujours clitoridien, le clitoris ayant une parie externe et une partie interne — à l’école, entre copines, avec sa mère ? Il plane comme une espèce de censure morale et politique. Un contexte dans lequel les femmes ne devraient pas aimer la sexualité ou en tout cas ne pas l’aborder. Mon nom est clitoris, avec ses 88 minutes de lâcher prise intelligente et essentielle, tente de prendre à contrepied ce phénomène et de libérer la parole en mettant en scène les témoignages de jeunes femmes assises sur leur lit. Elles ont accepté de parler du plaisir féminin, solitaire ou à deux, face caméra. Elles parlent de la manière dont elles ont découvert leur sexualité, de masturbation, de la gêne et du plaisir éprouvés, de techniques, d’orgasme, d’éducation sexuelle, des rapports sexuels. Et l’on s’aperçoit que pendant longtemps, certaines d’entre elles ne l’ont pensé qu’au travers de l’autre, de leur partenaire. Comme si pour éprouver le plaisir il y avait nécessairement l’obligation de pénétration. Comme si les porteurs de la sexualité, ceux qui initiaient la femme étaient les hommes. Eux qui ont nommé les parties du corps (et fait disparaitre le clitoris des planches d’anatomie), et définit les canons de la sexualité. Des séquences extérieures plus pédagogiques et scientifiques, amenées avec beaucoup de drôleries, ponctuent le film ou nous éclairent comme lorsqu’Odile Buisson, gynécologue et chercheuse montre l’emplacement du clitoris et explique la zone G. Mon nom est clitoris se veut un film militant. Lisa Billuart Monet et Daphné Leblond, les deux réalisatrices, se revendiquent du féminisme intersectionnel et souhaitent avec ce film faire de la sexualité féminine un vrai sujet de conversation légitime. Le résultat est pétillant, original, réactif, décapant. Et représente un outil précieux qui peut circuler dans les écoles ou servir aux associations militantes.
Sabine BeaucampMon nom est clitoris
Lisa Billuart Monet & Daphné Leblond
Iota production / Pivonka / CBA, 2019