Un cœur en commun

Harald

Pas­sion­ner le lec­teur de bande dessinée en vou­lant nar­rer l’histoire de la Sécurité sociale belge semble au pre­mier abord être une mis­sion impos­sible. Et pour­tant, Harald accom­plit cette gageure en met­tant en scène trois couches tem­po­relles dans cet opus. Il raconte tout d’abord les débuts compliqués de Louise. À l’âge d’un mois, on constate qu’elle a un problème car­diaque et qu’il faut l’opérer. C’est le pre­mier récit : la peur des jeunes parents, le milieu hos­pi­ta­lier tantôt effi­cace, tantôt déshumanisant. La deuxième strate parle de l’origine des luttes sociales, en Bel­gique, notam­ment par l’évocation de la nais­sance dif­fi­cile d’une petite fille, dans un milieu ouvrier pauvre, et du refus d’un médecin d’intervenir sans se faire payer. Le troisième volet, lui, se penche sur le tra­vail secret du COP (Comité Ouvrier et Patro­nal) pen­dant la Deuxième guerre mon­diale qui se réunissait dans le petit vil­lage de Ohain pour créer un texte, texte qui sera à l’origine de notre sécurité sociale, ce for­mi­dable outil de socia­li­sa­tion des richesses où cha­cun contri­bue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins (du moins au moment de sa concep­tion). Par le pas­sage per­ma­nent d’une époque à une autre, la BD dépeint de manière didac­tique et émouvante l’origine des allo­ca­tions fami­liales, des pen­sions, du rem­bour­se­ment des soins de santé… Ces conquêtes qui semblent tel­le­ment évidentes alors qu’elles ne l’étaient pas. À l’heure où la pro­pa­gande néolibérale vise à réduire ces avancées, cette bande dessinée fait par­tie de l’arsenal cultu­rel à notre dis­po­si­tion pour contre­car­rer ces dis­cours et per­mettre une réappropriation de la Sécurité sociale. Car, oui, il est temps de retour­ner à Ohain pour la main­te­nir et l’élargir.

Olivier Starquit

Un cœur en commun
Harald
Delcourt, 2020

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