Au départ, il y a la flambée du prix de l’énergie et les factures devenues difficiles à payer : « On se demandait tous comment cela se faisait que nos factures augmentaient alors que notre consommation diminuait, indique Alberto, Pourquoi les compagnies faisaient beaucoup d’argent alors que les factures devenaient impayables ? Qu’est-ce qui se passe ? ». Il met alors en place cet atelier pour pouvoir rassembler les gens au départ de leurs préoccupations : « se réunir pour réaliser qu’on vit la même situation, essayer collectivement de la réfléchir et se mobiliser pour des changements ».
L’objectif de ces ateliers énergie, c’est d’essayer de comprendre comment le marché actuel a été mis en place, quels en sont les acteurs, les enjeux. Et quelles alternatives plus justes aux niveaux social et écologique existent.
Il utilise notamment le jeu « Énergic’à brac », conçu initialement par l’asbl Empreinte et Énergie info Wallonie, pour expliquer aux consommateurs le fonctionnement du marché de l’énergie suite à la libéralisation. Car depuis la dé-nationalisation de l’énergie en Belgique, c’est devenu un peu compliqué. Le jeu permet en reconstruisant le trajet de l’électricité de la centrale à sa maison d’identifier les acteurs en présence et leur rôle. Du producteur (qui produit l’énergie via des éoliennes ou des centrales par exemple) au transporteur qui les achemine (pipelines et lignes à hautes tension) en passant par le distributeur qui les emmène jusqu’aux habitations d’une zone. Et enfin les fournisseurs (comme Engie, Mega, Luminus…), ceux avec qui nous traitons en général et qui achètent de l’énergie aux producteurs pour nous la revendre.
Face à la libéralisation du marché
Mais Alberto utilise lui ce jeu dans une visée d’éducation permanente, il ne s’agit pas seulement d’information sur le secteur ou le choix de son fournisseur, mais bien de moment de discussion, de construction de savoirs pour s’armer face aux déclarations politiques et envisager des mobilisations sur cette question qui impacte tant notre quotidien. Ainsi, lors des ateliers, « on voit aussi le circuit de l’argent, qui s’enrichit, qui ne s’enrichit pas, comment est fixé le prix de l’énergie ».
Le jeu, qui se joue avec une dizaine de participant·es, est également un bon support pour réaliser les conséquences des choix politiques décidés entre 1996 et 2007 pour privatiser le secteur de l’énergie : « On compare la situation avant et après 2007. C’est l’occasion de rappeler comment ça se passait à l’époque du monopole public, lorsqu’il n’y avait qu’un seul fournisseur et qu’on pouvait faire pression sur le politique quand ça ne tournait pas rond… Mais c’est aussi l’opportunité aussi de sortir de l’impuissance face aux gros groupes, de réaliser qu’il y a plein de choses à faire et à revendiquer ».
On se pose également indirectement la question du climat en évoquant ce qui lie « fin du monde et fin du mois » et en passant en revue « ce qui pollue ou ce qui ne pollue pas, beaucoup ou un peu, tout de suite ou bien plus tard comme dans le cas du nucléaire. » Mais aussi en se demandant pourquoi aucun plan de transition n’est financé par des deniers publics. Ou encore pourquoi on ne taxait pas les profits.
L’autre outil, c’est…sa facture. « On demande aux participant·es de venir avec leur facture, on la décortique, on l’explique, on la compare aux autres, on parle du quotidien. À partir du vécu et de questions concrètes, le lien est fait avec l’inflation actuelle et les effets en chaine de l’augmentation du prix de l’énergie. On passe aussi en revue les mesures prises pour limiter les augmentations. Si c’était une bonne idée de donner à tous, quels que soient leurs revenus, la même prime ».
Toutes ces réflexions visent à l’action. Il s’agit bien de se demander ce qu’on peut faire et comment. « Prochainement, je vais par exemple animer un groupe de femmes, qui plus souvent que les hommes gèrent les factures du ménage. Elles constatent donc de près ces augmentations et la question qu’on va se poser ensemble c’est ‘’que fait la commune ?’’. On ira ensuite interpeller les élu·es. ».
Car ces ateliers sont aussi là pour envisager les alternatives possibles, leurs avantages, leurs inconvénients : « Les opérateurs privés ont une place prépondérante, c’est un oligopole qui s’arrange souvent et qui spécule beaucoup. Ne faudrait-il pas que l’État crée un opérateur public ? Ou bien créer une myriade de coopératives de l’énergie au plus près des territoires ? Voire, un cran plus loin, ne vaudrait-il pas mieux carrément renationaliser le secteur ? »
Alberto Granados forme les professionnel·les à ces ateliers citoyens. Contact : granados [at] equipespopulaires.be
Ressource en ligne : www.rwade.be et energieinfowallonie.be.