Un atelier pour comprendre les enjeux politiques de l’énergie

Face à l’explosion des fac­tures de gaz et d’électricité, Alber­to Gra­na­dos du mou­ve­ment d’éducation per­ma­nente les Équipes Popu­laires, a mis en place des Ate­liers citoyens de l’énergie. L’objectif : com­prendre com­ment se struc­ture le mar­ché actuel et dérou­ler l’éventail des alter­na­tives pour retrou­ver col­lec­ti­ve­ment du pou­voir d’agir.

Au départ, il y a la flam­bée du prix de l’énergie et les fac­tures deve­nues dif­fi­ciles à payer : « On se deman­dait tous com­ment cela se fai­sait que nos fac­tures aug­men­taient alors que notre consom­ma­tion dimi­nuait, indique Alber­to, Pour­quoi les com­pa­gnies fai­saient beau­coup d’argent alors que les fac­tures deve­naient impayables ? Qu’est-ce qui se passe ? ». Il met alors en place cet ate­lier pour pou­voir ras­sem­bler les gens au départ de leurs pré­oc­cu­pa­tions : « se réunir pour réa­li­ser qu’on vit la même situa­tion, essayer col­lec­ti­ve­ment de la réflé­chir et se mobi­li­ser pour des changements ».

L’objectif de ces ate­liers éner­gie, c’est d’essayer de com­prendre com­ment le mar­ché actuel a été mis en place, quels en sont les acteurs, les enjeux. Et quelles alter­na­tives plus justes aux niveaux social et éco­lo­gique existent.

Il uti­lise notam­ment le jeu « Énergic’à brac », conçu ini­tia­le­ment par l’asbl Empreinte et Éner­gie info Wal­lo­nie, pour expli­quer aux consom­ma­teurs le fonc­tion­ne­ment du mar­ché de l’énergie suite à la libé­ra­li­sa­tion. Car depuis la dé-natio­na­li­sa­tion de l’énergie en Bel­gique, c’est deve­nu un peu com­pli­qué. Le jeu per­met en recons­trui­sant le tra­jet de l’électricité de la cen­trale à sa mai­son d’identifier les acteurs en pré­sence et leur rôle. Du pro­duc­teur (qui pro­duit l’énergie via des éoliennes ou des cen­trales par exemple) au trans­por­teur qui les ache­mine (pipe­lines et lignes à hautes ten­sion) en pas­sant par le dis­tri­bu­teur qui les emmène jusqu’aux habi­ta­tions d’une zone. Et enfin les four­nis­seurs (comme Engie, Mega, Lumi­nus…), ceux avec qui nous trai­tons en géné­ral et qui achètent de l’énergie aux pro­duc­teurs pour nous la revendre.

Face à la libéralisation du marché

Mais Alber­to uti­lise lui ce jeu dans une visée d’éducation per­ma­nente, il ne s’agit pas seule­ment d’information sur le sec­teur ou le choix de son four­nis­seur, mais bien de moment de dis­cus­sion, de construc­tion de savoirs pour s’armer face aux décla­ra­tions poli­tiques et envi­sa­ger des mobi­li­sa­tions sur cette ques­tion qui impacte tant notre quo­ti­dien. Ain­si, lors des ate­liers, « on voit aus­si le cir­cuit de l’argent, qui s’enrichit, qui ne s’enrichit pas, com­ment est fixé le prix de l’énergie ».

Le jeu, qui se joue avec une dizaine de participant·es, est éga­le­ment un bon sup­port pour réa­li­ser les consé­quences des choix poli­tiques déci­dés entre 1996 et 2007 pour pri­va­ti­ser le sec­teur de l’énergie : « On com­pare la situa­tion avant et après 2007. C’est l’occa­sion de rap­pe­ler com­ment ça se pas­sait à l’époque du mono­pole public, lorsqu’il n’y avait qu’un seul four­nis­seur et qu’on pou­vait faire pres­sion sur le poli­tique quand ça ne tour­nait pas rond… Mais c’est aus­si l’opportunité aus­si de sor­tir de l’impuissance face aux gros groupes, de réa­li­ser qu’il y a plein de choses à faire et à reven­di­quer ».

On se pose éga­le­ment indi­rec­te­ment la ques­tion du cli­mat en évo­quant ce qui lie « fin du monde et fin du mois » et en pas­sant en revue « ce qui pol­lue ou ce qui ne pol­lue pas, beau­coup ou un peu, tout de suite ou bien plus tard comme dans le cas du nucléaire. » Mais aus­si en se deman­dant pour­quoi aucun plan de tran­si­tion n’est finan­cé par des deniers publics. Ou encore pour­quoi on ne taxait pas les profits.

L’autre outil, c’est…sa fac­ture. « On demande aux participant·es de venir avec leur fac­ture, on la décor­tique, on l’explique, on la com­pare aux autres, on parle du quo­ti­dien. À par­tir du vécu et de ques­tions concrètes, le lien est fait avec l’inflation actuelle et les effets en chaine de l’augmentation du prix de l’énergie. On passe aus­si en revue les mesures prises pour limi­ter les aug­men­ta­tions. Si c’était une bonne idée de don­ner à tous, quels que soient leurs reve­nus, la même prime ».

Toutes ces réflexions visent à l’action. Il s’agit bien de se deman­der ce qu’on peut faire et com­ment. « Pro­chai­ne­ment, je vais par exemple ani­mer un groupe de femmes, qui plus sou­vent que les hommes gèrent les fac­tures du ménage. Elles constatent donc de près ces aug­men­ta­tions et la ques­tion qu’on va se poser ensemble c’est ‘’que fait la com­mune ?’’. On ira ensuite inter­pel­ler les élu·es. ».

Car ces ate­liers sont aus­si là pour envi­sa­ger les alter­na­tives pos­sibles, leurs avan­tages, leurs incon­vé­nients : « Les opé­ra­teurs pri­vés ont une place pré­pon­dé­rante, c’est un oli­go­pole qui s’arrange sou­vent et qui spé­cule beau­coup. Ne fau­drait-il pas que l’État crée un opé­ra­teur public ? Ou bien créer une myriade de coopé­ra­tives de l’énergie au plus près des ter­ri­toires ? Voire, un cran plus loin, ne vau­drait-il pas mieux car­ré­ment rena­tio­na­li­ser le sec­teur ? »

Alberto Granados forme les professionnel·les à ces ateliers citoyens. Contact : granados [at] equipespopulaires.be
Ressource en ligne : www.rwade.be et energieinfowallonie.be.

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