29 avril 2020
Derrière ma fenêtre, je vois la balançoire, le toboggan dans le jardin mais je n’y vais pas, même quand il fait beau. J’ai peur. Je veux protéger maman parce que papa est très fort. Tout à l’heure, il m’a poussée parce que j’essayais de protéger maman. « Ne te mêle pas de ça ! Et arrête de chialer », il m’a dit. Et il m’a poussée. Je suis tombée par terre, à côté de mon petit-frère. J’ai demandé tout bas à Arthur de ne pas pleurer pour ne pas fâcher papa. Papa cogne fort avec ses deux poings sur maman qui s’est mise en boule. Elle ne crie pas. Depuis qu’on est tous à la maison, papa frappe plus souvent maman et plus fort. Quand il s’arrête, il prend une canette de bière dans le frigo et, puis il s’enferme dans la chambre et il regarde la télévision. Je le sais parce que j’entends des voix. Je n’aime pas quand maman pleure doucement. « Demain, demain, je te promets, on s’en va. » Elle me dit ça tous les jours. Alors, moi, je ne joue plus dans le jardin sauf quand elle vient avec moi. (Patricia Bellot)
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Derrière ma fenêtre, je vois la société en suspension. Cette société, grande consommatrice et productrice technologique, a soudainement été stoppée dans sa course effrénée vers toujours plus haut, plus grand, plus fort, par un microscopique être vivant. Et que reste-t-il finalement de cette grande société ? Des êtres humains prenant soudainement conscience que cette forme de grandeur ne fait pas le poids face à la douce et chaude étreinte d’un être aimé. (Carine Remy)
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Derrière ma fenêtre je vois,
Le soleil qui s’en vient puis s’en va,
Joyeuse floraison du lilas,
Et les moineaux cherchant leur repas.
Derrière ma fenêtre j’entends,
Tous les gazouillis et les doux chants
Et les danses et bruissements du vent.
Et le tracteur qui rejoint le champ.
Derrière ma fenêtre je devine,
Les gestes et les mots de la voisine,
Qui écrit, chante, bricole ou cuisine.
Je, tu, il, nous, vous, elles confinent.
Derrière ma fenêtre je vois qu’apparaissent,
De blancs nuages glissant comme des caresses.
Seront-ils d’une belle pluie la promesse ?
Eau bienfaisante empêchant les sécheresses…
(Nathalie Grosjean)
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Derrière ma fenêtre je vois
Le déroulé majestueux du fleuve. Le soleil sème à la surface des petits diamants qui scintillent. Plus près de la rive la surface de l’eau s’essaye à la peinture Nabis et dessine des formes ondulantes.
Sur l’île, en face, une colonie d’oies investit les lieux. Les commérages et conflits de voisinage vont bon train.
Avec un peut de chance, je verrai passer la famille de Cygne qui a élu domicile dans les parages.
Le fleuve avance à pas feutré sans faire de bruit. Mais les oies envahissent l’espace sonore, ne laissant que de temps en temps le micro aux autres oiseaux, plus discrets.
Ici c’est la nature, mais ce n’est pas sauvage. Le crissement des pneus d’un VTT sur le chemin de halage, le hurlement d’une tronçonneuse au loin, le ronronnement de la péniche qui passe provoquant une dance dans son sillage, le ronflement sourd d’un avion qui envahit le ciel…
Le monde continuerait donc de tourner ?
Le fait que je sois confinée, à écouter le temps qui passe, à regarder mon cœur qui bat, à goûter, goûter, goûter cette parenthèse inédite et solitaire n’y changera donc rien. (Catchou de Coster)
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Derrière ma fenêtre, je vois l’été qui arrive.
Comme toute femme nous sommes sensuelles de nature !
Le confinement dure, notre moitié nous manque on ne peut pas s’embrasser mais je déclare l’été brûlant ! Pas l’été indien ! 🤪
Je suis fougueuse, j’ai toujours été ainsi.
Je n’ai pas peur de l’empoisonnement car comme me l’a dit la Belle au bois dormant, elle se réveille toujours avec le baiser d’un prince !
J’aime les baisers car c’est 1 arrêt dans le temps. Klimt m’a appris qu’embrasser c’est bien, son baiser est éternel !
Maupassant disait que le baiser est la meilleure façon de faire taire les choses et il a raison !
J’aime indéniablement cette toile du grand Hayez ! Un baiser c’est la petite mort, ce doux mélange d’érotisme et de mort. Soignons la petite mort !
(Anne Lise Lejeune)
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Derrière ma fenêtre grande ouverte, je vois ou plutôt j’entends la radio des voisins. C’est l’heure du micro-trottoir. Le journaliste interviewe une vieille dame qui réside dans un home.
… J’aurais dû écouter mes arrières petits-enfants (j’en ai trois vous savez, deux garçons et une fille, adorables) et apprendre à utiliser Skip (ah, on dit Skype ?) pour les voir « en vrai ». Parce que maintenant, je n’entends plus que leurs voix remplies de tristesse. Alors, moi, j’essaie de mettre plein de sourires dans la mienne mais c’est pas facile. Je tousse beaucoup. Et la fièvre n’arrange rien. Tout ça me fatigue. Alors, les communications sont toujours très courtes. Ils sont gentils, vous savez. Chaque fois, ils me répètent que je dois me reposer pour être en forme pour mon anniversaire. C’est vrai que je vais avoir nonante ans le mois prochain. Nonante ans, Monsieur ! C’est un cap comme ils disent. Et moi, j’essaie d’être convaincante.
« Oui mes chéris, on se verra bientôt. Ce sera chouette. » Et je raccroche vite pour ne pas qu’ils entendent que je pleure. Excusez-moi Monsieur, mais il faut que je ferme la fenêtre, c’est l’heure des soins. Prenez bien soin de vous. Au revoir Monsieur.
Je ferme la fenêtre. Je pense à ma mère… à toutes ces personnes âgées
(Patricia Bellot)
30 avril 2020
Derrière ma fenêtre, je vois ces gens que je ne connais pas, qui ne m ont jamais vue et qui ne savent pas, ne savent qu’un jour ils seront peut être là pour nous aider, toi ou moi. Ces gens aux gestes souples et répétés, sans cesse s’empressent pour le Salut des autres, ces autres dont ils ne savent rien sinon qu’ils ont leur vie entre leurs mains.
Derrière ma fenêtre, je les admire ! J’aimerais leur ressembler et affronter de manière journalière leur quête de vie et de survie en s’oubliant dans le soin des femmes, des hommes et des enfants, en s’épuisant dans le combat contre ce petit virus maléfique s’insinuant dans les corps aujourd’hui.
Derrière ma fenêtre, je vois certains de ces êtres partir vers des horizons trop loin, sans être remerciés, sans avoir été protégés, crucifiés sur la croix du profit, laissant derrière eux des lignes indélébiles dans les archives du temps.
Derrière ma fenêtre, je rêve que face à ce combat acharné, chargé d’humilité et dénué d’intérêt sinon celui de faire vivre, le monde devienne meilleur, s’émeuve et prenne une direction différente, nouvelle et pleine d’humanité.
Derrière ma fenêtre aujourd’hui je me dis qu’il est bon de rêver… et je regarde les oiseaux lentement s’envoler dans le ciel ensoleillé.
Merci à eux » (Muriel Delvaux)
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« Derrière ma fenêtre je vois, le bout du jardin, et pourtant j’adore y passer des heures, à contempler, ce que je n’y vois pas.
Derrière ma fenêtre je vois, la haie épaisse, et derrière la haie, un monde invisible, une page blanche, où je peux dessiner, un monde imaginaire.
Derrière la fenêtre je suis, à l’extérieur, dans le monde que j’invente sans arrêt.
De derrière la fenêtre je pars, dans un monde plus beau, plus grand, plus coloré à l’horizon infini.
(Sophie Dammous)
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Derrière ma fenêtre, je vois le temps s’écouler calmement, puis s’arrêter pour réfléchir et pour trouver une vitesse quelconque, une réponse à nos attentes. Je ne vous en dirai pas plus.
Je vois une table en panorama qui attend des gens qui se réunissent pour être ensemble, le temps est à l’arrêt, mais nous sommes contents de nous voir dehors par un temps radieux ou pluvieux. On ne s’en préoccupe plus.
Par la fenêtre, je vois de l’eau et des arbres dont les oiseaux dans lesquels ils se nichent et chantent souvent. Toute création car toute la création me réjouit.
Malgré un virus dangereux, les gens ne vont pas si mal, ils passent et parfois repassent et re-re passent pour certain·e·s. A pied, à vélo, en trottinette, rarement en voiture.
Et le soir, à 20h, un claquement rompt le silence, puis quelques femmes applaudissent les soignants des hôpitaux, et les cloches des églises sonnent gaiement pour honorer ces gens qui prennent des risques de contaminations pour nous protéger, nous. Et nous, restons chez nous pour limiter la contamination du Covid-19.
Assurer que nous allons vivre dans une solidarité n’est pas une évidence, mais le monde change, c’est sûr. Ce que nous espérons, même sans le dire, c’est que regarder par la fenêtre est un vrai défi parce que nous passons par des étapes d’un vrai monde qui change. (Marisa Vanderschueren).
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Derrière ma fenêtre, au loin, un saule qui pleure.…
Je regarde ce jardin fleuri qui était autrefois envahi par des rires d’enfants…
Pensive et, lointaine, je reste immobile, les yeux dans le vide.… Je me dois pourtant de sourire, il le faut… les larmes pourront couler plus tard, seule… Il faut bien cacher les apparences, surtout ne rien montrer… Ne pas faire ressentir cette tristesse, ce cœur froissé qui ne cesse de crier depuis des jours, des semaines interminables, des nuits ténébreuses.
Tantôt remplie de colère tantôt remplie d’un sentiment d’impuissance sans précédent, je voudrais hurler, j’aurais tant à dire, mais les mots ne peuvent sortir de ma bouche tremblante. Et de toute manière, à qui les dire…
Et cet écran de téléphone pertinemment résolu à n’afficher aucun message, cette sonnerie tant attendue qui ne retentit pas. Cette chambre désespérément vide.
Je voudrais comprendre. Comment tout cela a pu arriver ? Pourquoi maintenant, pourquoi dans un pareil moment ? Que l’on me donne une raison, j’ai besoin d’une raison, s’il vous plaît ! donnez-la moi, afin que je ne perde pas la raison.
Comment rester debout ? Alors que la seule chose qui me porte c’est leur amour. La seule chose qui me permette de tout affronter, c’est leur tendresse. La seule chose qui me permette d’avancer c’est leur sourire.
Sans eux, sans l’un d’entre eux, je ne suis rien… moi qui pensais cet amour inébranlable.
Derrière ma fenêtre, je me rappelle un temps où simplement lorsqu’il dormait, ma main délicatement passée dans ses cheveux couleur soleil suffisait à le calmer de ses nuits agitées. Je me rappelle son habitude de passer ses petits doigts dans ma longue chevelure, d’en agripper une mèche et de l’apporter sur son doux visage. Cela me faisait toujours sourire.
Le temps faisant son œuvre, ses petits bras grandissants, il m’embrassait à présent sur le front, me disant d’un air vainqueur « je t’aime ma petite maman », et nous partions dans des éclats de rire, les yeux pétillants de bonheur.
Aujourd’hui, derrière ma fenêtre, je voudrais simplement fermer les rideaux…
(Catherine Berger)
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« Derrière ma fenêtre je vois
La Meuse qui court, qui court.
Elle me dit
Le temps passe et ne revient jamais. »
(Catchou de Coster)
1er mai 2020
Derrière ma fenêtre, j’observe, je guette, j’espionne…
Vous trouvez ça normal vous ? Hier et avant-hier, deux voitures avec trois personnes à l’intérieur se sont garées dans l’allée des voisins. Moi, de ma fenêtre je vois leur jardin. Hum, parlons-en de leur jardin. Ils n’ont jamais voulu me vendre le petit bout de leur terrain qui empiète sur le mien. Vingt-cinq ans que je leur demande ! Les chiens ! Mais bon, je ne suis pas rancunier… En rigolant comme des malades, trois mecs ont déchargé des bacs de bière, de la Jupiler (elle est en promo au Carrefour, je l’ai vu hier en allant faire mes courses). Et pas de distance entre eux, hein ! Tiens, que je t’embrasse, que je te tapote le dos, que je te serre contre moi ! Moi, je dis ça, je dis rien. De toute façon, ces gens-là, ils n’en ont rien à faire des autres. En temps normal, je veux dire avant le confinement, c’était déjà guindaille sur guindaille jusqu’à pas d’heure. J’ai plusieurs fois porté plainte mais ça n’a rien changé. Ils continuent à emmerder leur monde. J’ai rien contre eux mais quand même, le respect, c’est important, non ? Et puis, c’est mon devoir de citoyen en cette période de confinement. C’est pour le bien de tous que j’ai appelé la police. Sinon, pourquoi je ferais ça ?
(Toute ressemblance avec des cas réels n’aurait rien d’anormal !)
(Patricia Bellot)
2 mai 2020
Derrière ma fenêtre, je vois… que le temps ne s’est pas arrêté, les mésanges viennent chercher les quelques poils du chien pour faire leur nid, l’herbe pousse parsemée ci et là, de pâquerettes, de pissenlits et rares chardons. Le petit banc de bois exotique a bien vieilli, il grisonne. Plus loin, les poules se lèvent et se couchent suivant leur rituel journalier, elles m’offrent leurs œufs et picorent inlassablement. Encore plus loin, le ruisseau traverse la prairie, je ne le vois pas vraiment, je le devine alors j’écoute, je tends l’oreille car il apparait puis disparait derrière le gros noyer et les longs bouleaux… Derrière ma fenêtre, j’aperçois que la vie n’a guère changé, elle est toujours aussi belle et généreuse, le temps passe, et rien d’autre, pas de confinement, personne ne connait ça… Dans mon jardin (Karin PireSchraverus)
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Derrière ma fenêtre, je vois,
Avant de poursuivre, je me dois d’être exact, derrière la fenêtre qui ne m’appartient pas, je vois,
La chaise où je suis assis n’est pas la mienne non plus,
La vue n’est pas celle où, avant cette crise, mon regard distrait voletait à l’instar d’un papillon,
Le temps n’est pas le même non plus, le rythme des journées a changé, le sommeil aussi.
Derrière cette fenêtre, qui ne m’appartient donc pas, je vois…
En fait, je ne vois rien car mon regard est ailleurs tout comme mon esprit, mon attention,
Même si je ne la vois pas, la présence du dehors me souffle son silence, sa mue, son nouveau visage,
Parfois, je sens à travers la vitre la chaleur du soleil, parfois j’entends celle-ci frappée par la pluie,
Tout est flou, était-ce hier, avant-hier ? Le temps change dans ma plus totale indifférence,
Depuis le début de cette pandémie, je n’ai plus de montre pour montrer l’exemple,
Est-ce pour cela que je n’ai plus d’heures qui m’appartiennent ?
Je n’ai plus de journées légères mais je n’ai même pas l’occasion de souffrir du poids des jours,
Il n’y a plus ni samedi ni dimanche, il faut donc réinventer des balises que l’on ne peut partager,
Aspiré dans une tornade dont la vitesse varie à chaque instant mais qui ne faiblit que rarement,
À l’intérieur, donc, puisque la fenêtre provisoirement m’indiffère, je vois,
Le courage, l’énergie, le désarroi, les craintes et les espoirs, les miracles et la solidarité,
Mon écran d’ordinateur qui est devenu une salle fréquentée de réunions sans horaire,
La créativité et la force de mes collègues qui nous font confiance chaque jour,
Ces personnes qui ne sont pas des statistiques mais des combattants dans leur chair,
Enfin, la journée se termine alors que pour d’autres, la soirée commence,
Je ferme la porte du bureau de crise, je quitte le lieu, je me frictionne une dernière fois les mains,
J’ouvre la portière, mets le contact et quitte l’hôpital…
Par la fenêtre de ma voiture, enfin, je vois,
Je souris la journée a été utile mais surtout, je vais retrouver ceux que j’aime…
(Frédéric Thys)
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