Le BBB Il a été lancé en mars de cette année. Les ténors de ce nouveau parti ont pour noms Filip Boone et Tine Hermans qui en est son actuelle présidente. Il prend pour modèle un autre BBB, le BoerBurgerBeweging qui aux Pays-Bas a réalisé un score remarqué aux élections provinciales de mars 2023 en arrivant premier avec 19% des voix. Le BBB est né de la contestation du Plan azote qui en réglemente les émissions en Europe et menace, en raison de leur haut taux de pollution, certaines exploitations de la Région flamande. Ce plan a en effet déclenché la colère de nombreux acteur·ices de l’élevage intensif flamand. Ce qui anime ce parti, c’est entre autres le sentiment que le gouvernement ne traite pas correctement et suffisamment la cause des agriculteurs et agricultrices en Flandre
Le lancement de ce parti, a été mis en scène à Doel, ville fantôme vidée ses habitants en 1999. Une mise en scène pour soutenir le message apocalyptique selon lequel si on continuait à réglementer l’agriculture et ses méfaits sur le plan environnemental, alors les zones rurales deviendront elles-aussi des territoires abandonnés et sans âmes qui vivent…
Bien au-delà du monde agricole, ce sont les déçus du monde politique traditionnel que ce parti souhaite attirer même s’il reste vague pour le moment sur ses idées-phares en dehors des problématiques agricoles. Il cible particulièrement la Belgique péri-urbaine qui se sent laissé de côté au profit des plus grandes villes. Le BBB s’appuierait déjà sur une structure solide de près de 400 membres, quelques 15 000 followers sur les réseaux sociaux, une direction centrale et des antennes dans chaque province flamande. On pourrait qualifier son discours, sa ligne et son programme de populiste en ce que ses discours opposent sans arrête peuple et élites. Certains parlent d’une inscription dans l’agrarisme, un courant politique présent dans le nord de l’Europe notamment en Allemagne.
Quels sont les points communs et les différences entre les deux BBB, le BoerBurgerBeweging, qui aux Pays-Bas a obtenu 16 des 75 sièges au Sénat et le Boer Burger Belangen qui vient d’être lancé en Flandre ?
Le BBB flamand s’est directement inspiré du mouvement né aux Pays-Bas. Leur principal point commun est d’avoir émergé pour exprimer le mécontentement des agriculteurs et répondre à leurs demandes. Que ce soit aux Pays-Bas ou en Flandre, les agriculteurs font face à de sérieuses difficultés liées à la politique de réduction des émissions d’azote. Chez nos voisins néerlandais, des milliers d’exploitations agricoles ont dû cesser leurs activités à la suite des mesures adoptées, ce qui a suscité pas mal d’émoi. En Flandre, nous n’en sommes pas encore là. Le gouvernement de Jan Jambon vient de conclure un accord sur les émissions d’azote qui serait plus souple envers le secteur agricole. Beaucoup d’acteurs de terrain attendent cependant de voir quels en seront concrètement les effets. Mais ce nouveau compromis semble avoir quelque peu calmé les esprits. Il faudra donc voir comment le BBB parviendra malgré tout à séduire son public cible.
Tout comme le BBB néerlandais, on remarquera par ailleurs que cette nouvelle formation politique souhaite atteindre un électorat plus large que celui provenant du secteur agricole. En Flandre comme aux Pays-Bas, de nombreux citoyens sont insatisfaits de la politique menée par les partis traditionnels. Ces citoyens ne se sentent pas entendus par les élus au pouvoir, ils se sentent souvent laissés pour compte, et ce sont ces personnes que le Boer Burger Belangen veut atteindre.
Quels sont les éléments qui pourraient donner une certaine crédibilité à ce nouveau parti politique ?
Il n’y en a pour le moment pas beaucoup. Le parti avait en effet annoncé avoir des chances d’attirer dans son camp certaines figures provenant d’autres partis, mais actuellement, force est de constater qu’il est encore loin du compte. Aucune personnalité importante ne s’y démarque.
Je n’ai cependant pas vraiment analysé leur programme électoral, et je ne peux donc m’exprimer à ce sujet. Je remarque cependant que lors de son lancement, le parti avait suscité un certain intérêt des médias flamands, mais cet intérêt s’est depuis sérieusement estompé.
Ce parti n’est pas seulement tourné ou adressé au monde agricole, il s’intéresse aussi aux problèmes des citoyens notamment de ceux qui habitent en zones rurales, quels sont-ils ?
Je pense d’abord aux problèmes de mobilité du à la raréfaction des transports publics. En Flandre, de plus en plus de personnes se retrouvent quasiment isolées suite à la suppression de très nombreux arrêts de bus de la société flamande des transports en commun De Lijn. Ces habitants doivent souvent faire une sérieuse trotte avant de pouvoir accéder à un transport, et cela pose souci.
Les citoyens des zones rurales ont par ailleurs souvent tendance à se sentir délaissés par des responsables politiques qui concentrent surtout leur attention sur les villes et les zones urbaines. Ils sentent ainsi que leurs problèmes sont moins pris en considération.
Qu’est ce qui a pu amener le BBB aux Pays-Bas à remporter un tel succès ?
Les mesures drastiques prises pour réduire les émissions d’azote, et l’impact qu’elles ont eu sur le secteur agricole, ont clairement joué un rôle important. Mais le paysage politique néerlandais est très différent de celui du nord de la Belgique, et les grands chamboulements y sont beaucoup plus fréquents. On a d’ailleurs une nouvelle fois pu le constater lors des élections qui viennent de se tenir aux Pays-Bas. Le BBB n’est arrivé qu’à la sixième place, malgré sa progression par rapport aux élections de 2021. On est donc loin de la première place obtenue au Sénat néerlandais en mars 2023.
Pourrait-on le rapprocher ou trouver des points de connivence avec d’autres partis politiques flamands ?
Le BBB flamand semble surfer sur des thèmes que d’autres partis flamands se sont déjà appropriés. L’agriculture est en effet l’un des sujets phares du CD&V, qui tire historiquement une partie de son électorat de ce secteur. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le ministre flamand de l’agriculture, Jo Brouns (CD&V), s’est montré très rude lors des négociations de l’accord sur les émissions d’azote. Il s’est battu bec et ongles pour défendre les intérêts des agriculteurs.
On notera par ailleurs que le Vlaams Belang a, lui aussi, fait de la protection des agriculteurs l’une de ses causes. On a ainsi pu voir son président, Tom Van Grieken, défiler dans un tracteur auprès des agriculteurs en colère. Le BBB flamand est donc loin d’être le seul à défendre cette cause.
Pensez-vous qu’il risque de remporter un certain succès aux élections 2024 ?
Je n’ai pas de boule de cristal et l’actualité peut toujours avoir un impact d’ici les prochaines élections, mais mon sentiment est qu’il sera difficile pour le BBB flamand de se faire une vraie place. L’histoire nous a jusqu’ici démontré que le lancement d’un nouveau parti est toujours laborieux en Belgique. A l’exception peut-être de la Liste De Decker, [Libertair, Direct, Democratisch, LDD est un parti politique flamand de droite radicale créé en janvier 2007 par l’ancien sénateur du VLD Jean-Marie De Decker NDLR], quasi aucune nouvelle formation ne parvient ainsi à atteindre le seuil électoral de 5%, du moins pas dès le premier scrutin.
Comme dit précédemment, le BBB flamand a par ailleurs de sérieux adversaires que sont le CD&V et le Vlaams Belang. Le parti d’extrême droite cherche à séduire — et parvient hélas à le faire — les électeurs mécontents du système et de la gestion des responsables politiques en place. Il risque donc sérieusement de faire de l’ombre au BBB, comme il fait d’ailleurs de l’ombre aux partis traditionnels ainsi qu’à la N‑VA.