Comment analysez-vous, la progression toujours plus forte du Vlaams Belang ? Si des élections avaient lieu aujourd’hui le VB serait de loin un des plus grands partis du pays ?
La progression du parti d’extrême droite flamand se situe dans la lignée de la montée des populismes et des extrêmes dans la plupart des pays occidentaux. La Flandre ne fait pas figure d’exception. C’est plutôt du côté francophone que se situe l’exception, avec le fait que ces dernières années, aucun parti se revendiquant très à droite n’ait réellement percé électoralement. Certains expliquent cette situation par l’efficacité du cordon sanitaire. En Flandre, le VB aurait selon les sondages près d’un quart des intentions de vote, ce qui en fait un parti de tout premier plan. Toutefois, vu la relative fiabilité des sondages électoraux et le fait que les élections auront normalement lieu en 2024, beaucoup d’eau peut encore couler sous les ponts.
Quels sont les thèmes porteurs du VB qui font qu’il enregistre un tel succès ? Est-il populaire ?
Bien que le VB se positionne sur tous les sujets de société, la thématique de la migration reste collée à son image, au contraire de ses positionnements sur les questions socio-économiques. C’est pour les électeurs LE parti des thèmes migratoires. On remarque d’ailleurs que votants ou sympathisants ne sont que faiblement d’accord avec les idées du parti sur le socio-économique. Les électeurs du VB sont davantage des citoyens déçus de la politique, qui ont peu confiance dans le monde politique et en sont peu satisfaits. Ils ont tendance à être plus cyniques (et à soutenir par exemple l’idée du « tous pourris ! »). L’électorat du VB est donc clairement un électorat de rejet de la politique plutôt que de soutien aux thèmes porteurs du parti.
Le VB est populaire surtout via la personnalité de son président, le jeune Tom Van Grieken, qui est à la tête du parti depuis 2014 déjà. Il est actuellement dans le top 5 des personnalités politiques préférées en Flandre. Ceci peut en partie être expliqué par le fait qu’il est très actif sur les réseaux sociaux, tout comme l’étoile montante apparentée au parti, Dries Van Langenhove. Cependant, des études en sciences politiques ont démontré qu’une personnalité charismatique à la tête d’un parti ne fait pas tout. La popularité d’un leader est au mieux un coup de pouce pour le succès électoral d’un parti.
Est-il influencé par la N‑VA ou est-ce l’inverse ?
Tous les partis politiques s’influencent mutuellement. Les partis réagissent en fonction de l’environnement dans lequel ils évoluent, que ce soit en suivant le comportement ou les idées d’autres partis ou, au contraire, en prenant clairement une direction opposée afin de se distinguer. Le VB et la N‑VA se situent du même côté du spectre idéologique, du côté droit. Il est donc logique qu’il y ait des sujets et des préoccupations communes aux deux formations. De plus, outre leurs prises de position socio-économiques, les deux partis sont de tendance nationaliste flamande. Il va donc de soi qu’il existe des phénomènes d’influence mutuelle. Ces deux partis ont toutefois intérêt à rester distincts l’un de l’autre afin de ne pas perdre leur électorat au profit de leur concurrent. Ainsi, le VB s’affiche davantage comme un parti anti-establishment (qui n’a jamais ou presque participé à un exécutif, par exemple) tandis que la N‑VA capitalise sur ses résultats en tant que membre de gouvernement.
Le cordon sanitaire est-il menacé ?
Il est important de distinguer deux sortes de cordon sanitaire : le politique et le médiatique. Le cordon sanitaire politique existe en théorie sur l’ensemble de la Belgique. Il date des années 1980 quand les différents partis politiques belges, et principalement les partis flamands — car c’est là que l’extrême droite était plus présente — ont signé un accord afin de ne pas collaborer avec le VB. Ce cordon sanitaire a été plus ou moins respecté, à quelques exceptions près au niveau local. C’est ce cordon qui menace de se briser si le VB entre dans une coalition au niveau régional ou fédéral, ce qui semble toutefois encore loin d’être le cas. Le cordon sanitaire médiatique est d’un autre ordre : il s’agit d’un accord entre organes de presse de ne pas mettre en avant les idées d’extrême droite. Ce cordon est d’ores et déjà brisé en Flandre car les personnalités du VB interviennent régulièrement dans les médias. En Belgique francophone par contre, le cordon médiatique tient toujours, via le refus des médias de laisser intervenir une personnalité d’extrême droite en direct. Cette précaution permet aux médias de contrôler les dires potentiellement indésirables de ces hommes et femmes politiques.