Depuis quelques années, l’art idiot issu des avant-gardes commence à se déployer. Tant dans les musiques électroniques ou rock que dans l’art plastique ou la BD, il est devenu réellement nécessaire quand on a entre 20 et 40 ans de ne plus se prendre au sérieux et d’atteindre (au moins) le 23ème degré dans tout ce qu’on fait. En cinéma, c’est encore modeste mais on peut songer à Quentin Dupieux et ses fictions conceptuelles déraisonnées (Steak, Rubber, et à venir Wrong cops), au film de série Z érigé comme modèle esthétique ou aux centaines de milliers de vidéos postées sur Vine ou ailleurs. Pour la pop, le sens dessus dessous touche tant la musique, que la pochette, les clips, les titres des morceaux, du disque ou le nom de groupe. Rien ne colle vraiment avec rien. Mais tout marche quand même. Bref, l’absurde semble devenir un nouveau paradigme artistique qui ringardise tous les autres, ceux qui y croient encore, les rendant caricaturales et sujets de moquerie. Cheveu est l’un des représentants de cette « ironic music », peut-être pas le plus frais mais en tout cas parmi les plus connus. Au menu, par rapport à leurs albums précédents beaucoup plus de chansons chantées en français, des paroles sans trop de sens, des mélodies frisant parfois le grotesque, mais aussi plus de libertés. Un album attachant qui crée pour les années 2010 une sorte de glam à la française. Si les Cheveu ont les honneurs des grandes radios françaises ou de Télérama, il ne faudra pas négliger pour autant d’autres rejetons de cette scène qui s’ébroue sur Soundcloud ou dans les caves à concerts comme les Scorpion Violente, Plastobeton, El‑g, ou encore l’émo rurale de Colombey.
Aurélien BerthierCheveu
Bum
Born Bad Records, 2014