Après plus de quatre décennies, le statut de cohabitant·e appauvrit toujours la population. Un constat dont s’est emparé le Théâtre Croquemitaine, une compagnie de théâtre-action originaire de Tournai et coutumière de la traduction sur les planches de thématiques sociales qui touchent le cœur de la population. Pendant un peu moins d’une heure, c’est le parcours kafkaïen de Berny, un jeune styliste en devenir, qui est exposé sans concession. L’équation impossible d’être au chômage et de vivre avec sa mère qui perçoit elle aussi des allocations de remplacement, la peur au ventre d’héberger un ami chez soi ou encore les stratagèmes les plus incongrus à mettre en place afin de se soustraire aux visites domiciliaires. Mais qu’on ne s’y méprenne pas : avec « Cohabicata », tel est le nom de la pièce, on ne verse pas dans le misérabilisme. Au contraire, on rigole. De bon cœur. Même si on rit souvent jaune, tant les situations vécues par des milliers de personnes sont parfois si surréalistes. Et puis, mine de rien, on engrange également beaucoup d’informations. En guise de ponctuation, les trois artistes égrainent des chiffres qui permettent de prendre autant l’ampleur que la portée de ce statut injuste et stigmatisant. En fin de représentation, le constat est implacable : le temps est venu de l’enterrer, une fois pour toutes. Vous n’êtes pas encore convaincu·e ? La troupe se donne alors encore une vingtaine de minutes, lancée dans une discussion à bâtons rompus, afin de non seulement tenter de convaincre les plus indécis·es mais aussi de proposer des pistes afin d’agir et faire pression auprès des autorités. Cohabicata, ce n’est pas qu’une pièce de théâtre, c’est aussi une intervention d’utilité publique.
Pierre VangilbergenCohabicata
Théâtre Croquemitaine,
2022, Croquemitaine / PAC BW / CIEP-MOC BW