Le chœur d’Ali Aarras

Julie Jaroszewski

Ali Aar­ras est tout un sym­bole mais Ali Aar­ras est tou­jours en pri­son. Ce citoyen bel­go-maro­cain, soup­çon­né de ter­ro­risme, arrê­té en Espagne en 2008 puis jugé et ayant béné­fi­cié d’un non-lieu, a été illé­ga­le­ment extra­dé vers le Maroc, où il n’a pour­tant jamais vécu. Il y est empri­son­né depuis 2010 à la suite d’aveux obte­nus sous la tor­ture. La situa­tion semble blo­quée mal­gré les appels à inter­ve­nir d’Amnesty Inter­na­tio­nal ain­si que de nom­breux artistes auprès du minis­tère des affaires étran­gères. Le Chœur d’Ali Aar­ras, c’est une tra­gé­die moderne chan­tée et comp­tée par des femmes, des actrices, des chan­teuses et ses proches, qui retrace le pour­quoi et le com­ment de cette ter­rible injus­tice subie par Ali Aar­ras depuis plus de 10 ans. D’ailleurs, ce récit nous ramène bien avant la nais­sance d’Ali, dans notre pas­sé sombre et sou­vent nié colo­nia­liste. Une époque où les dirigeant·es européen·es fai­saient jou­jou avec l’Afrique (mais pas que) se par­ta­geant, terre, richesse et popu­la­tion comme on par­tage un mor­ceau de tarte. S’en sui­virent mas­sacres, sou­lè­ve­ments de popu­la­tion récla­mant — à juste titre — une sou­ve­rai­ne­té sur la terre de leur ancêtre, enfer­me­ments, assas­si­nats… L’héritage de ce colo­nia­lisme c’est un contexte géo­po­li­tiques absurde et sur­tout un rap­port de domi­na­tion bien réel vécu par tous ces hommes et femmes qui n’ont jamais été tout à fait Belges mais qui ont tou­jours été un peu trop étrangèr·es. Citoyen·nes de seconde zone, État de droits de seconde zone. À tra­vers l’histoire d’Ali Aar­ras et le trai­te­ment indigne infli­gé par la Bel­gique, l’Espagne et le Maroc, c’est le degré d’humanité et de civi­li­sa­tion d’un État qui doit être mesu­ré. Et à tra­vers l’histoire d’Ali c’est celles de tous/toutes ceux/celles que nous ten­tons déses­pé­ré­ment de lais­ser der­rière les bar­be­lés à nos fron­tières à laquelle nous devrons faire face. La der­nière scène de la pièce ouvre brèche dans nos esprits et dans nos cœurs, une seule solu­tion agir et dénoncer.

Sarah de Liamchine

Le chœur d’Ali Aarras
De Julie Jaroszewski
La Baleine noire asbl /Théâtre national, 2019

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