Dans l’Italie d’après-guerre, Délia (Paola Cortellesi – la réalisatrice – une femme derrière et devant la caméra) raconte l’histoire des femmes italiennes. Un récit en noir et blanc, celui des femmes au sortir du fascisme qui, libérées, respirent à peine… La guerre est peut-être finie mais pas encore celle menée par le patriarcat contre les femmes : elles étouffent, elles virevoltent sous les coups, les insultes et la précarité d’une société patriarcale qui continue de ne faire d’elles qu’une bouchée. La bouchée d’un pain qui arrive péniblement à table. Car le quotidien de Délia est fait de débrouille avec trois enfants à nourrir et un mari violent. Mais aussi un quotidien fait d’espoir, celui de voir sa fille arriver à s’émanciper et les violences s’arrêter. Au fil du récit des résistances émergent et une solidarité entre les femmes s’organise, faite de regards et de courriers échangés. Des femmes bourgeoises aux femmes des quartiers populaires, chacune à leur manière se prépare pour marquer l’histoire. Bien sûr, à travers l’histoire de Délia, c’est toute l’histoire des femmes et de leurs droits qu’on esquisse. C’est aussi l’histoire des femmes de demain. Parce qu’ « il restera encore demain » pour que cela change. Avec cinq millions d’entrées en Italie, le film fera écho à l’insoutenable réalité que rien n’a finalement changé dans ce pays. Au moment de sa sortie, en novembre 2023, l’Italie fera face à son 106e féminicide de l’année, qui sera pour une fois traité par les médias et les politiques autrement que comme un simple fait divers grâce à l’action des proches de la victime Giulia Cecchettin pour politiser son meurtre. Les deux évènements vont catalyser la colère du mouvement féministe italien « non una di meno » (pas une de moins) appelant toutes les femmes à sortir dans la rue le 25 novembre 2023, Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, pour dénoncer l’aspect systémique des violences patriarcales. Dans les rues de Rome raisonnera alors le poème de l’activiste péruvienne Cristina Torres-Càceres : « Si demain c’est moi maman, si demain je ne rentre pas, détruis tout. Si demain c’est mon tour, je veux être la dernière » qui résumera le besoin pour les jeunes femmes italien que le système change.
Matilda DelierIl reste encore demain (C'è ancora domani)
Un film de Paola Cortellesi
2023