Skunk

Un film de Koen Mortier

Skunkputois en anglais – fait par­tie de ces films qui s’impriment sur la rétine et dont cer­taines scènes deviennent indé­lé­biles. Koen Mor­tier, pro­duc­teur et réa­li­sa­teur bien connu dans le Nord du pays, pro­pose ici une immer­sion crue et bru­tale dans le quo­ti­dien de jeunes, au par­cours chao­tique et qui ont fini par atter­rir en centre fer­mé. Pen­dant presque deux heures, l’horreur côtoie la vio­lence, la joie éphé­mère côtoie la haine pro­fonde. Et pour­tant, ce film traite d’amour. Mais prise en néga­tif, comme sur une pel­li­cule pho­to. Il dépeint ce qu’un être humain, le jeune Liam en l’occurrence, peut deve­nir en étant cou­pé de toute affec­tion fami­liale et en ne connais­sant que la dépra­va­tion et les coups pour quo­ti­dien. Une bru­ta­li­té qu’il fera sienne à son tour et qui l’amènera, trop jeune, à être pri­vé de liber­té. Mais c’est aus­si là que, pour la pre­mière fois, il rece­vra de la ten­dresse de l’équipe édu­ca­tive, dévo­lue tant bien que mal à sa fonc­tion d’offrir une ultime chance à ces jeunes. Liam ne sau­ra que faire de cet amour, tel un poids trop encom­brant et trop lourd, pro­fon­dé­ment désta­bi­li­sé par des marques d’attention qu’il n’a jamais connues et tiraillé entre un pas­sé hos­tile et un futur plus humain mais dont il ne pos­sède aucun code. Un film à l’esthétique soi­gnée, qui défile à cent à l’heure et sou­te­nu par une bande-son irré­pro­chable, com­po­sée par Amen­ra (Colin H. van Eeck­hout, voca­liste de la for­ma­tion, fait par ailleurs ses pre­miers pas en tant qu’acteur en inter­pré­tant l’immonde père de l’adolescent). Skunk n’est pas le genre de long métrage à voir si on a un petit moral. Il revêt par contre une impor­tance cru­ciale afin d’éveiller les consciences quant à la situa­tion tota­le­ment désas­treuse que vivent encore cer­taines familles à l’heure actuelle (le film étant le reflet édul­co­ré de faits réels), tout en ren­dant jus­tice à ces métiers du social qui tentent de redon­ner de l’humanité là où toutes les lumières avaient été éteintes.

Pierre Vangilbergen

Skunk
Un film de Koen Mortier
2023

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