Mambar Pierrette

Remar­quée dans son tra­vail docu­men­taire, notam­ment avec les films Chez Jolie Coif­fure et Les Prières de Del­phine, la réa­li­sa­trice Rosine Mba­kam pro­pose avec Mam­bar Pier­rette son pre­mier long-métrage de fic­tion. Mam­bar Pier­rette est le por­trait ciné­ma­to­gra­phique d’une femme et mère came­rou­naise, cou­tu­rière à Doua­la. Dans ce film épo­nyme, Mba­kam construit un scé­na­rio autour du quo­ti­dien d’un per­son­nage en prise avec une série d’évènements met­tant à mal une exis­tence déjà pré­caire. Qu’il s’agisse d’une inon­da­tion dans sa mai­son et son ate­lier ou d’un vol à l’arraché, Mam­bar Pier­rette doit à chaque inci­dent rele­ver la tête afin de garan­tir la sur­vie de sa famille dont elle assume, seule, la charge. Mais le film ne sombre ni dans un misé­ra­bi­lisme, trop sou­vent pré­sent dans un ciné­ma qui entend « fil­mer l’Afrique », ni dans le récit indi­vi­dua­li­sant, mal­heu­reu­se­ment hégé­mo­nique sur les écrans, d’une héroïne qui sur­mon­te­rait les dif­fi­cul­tés uni­que­ment par sa propre volon­té. En effet, le ciné­ma de Mba­kam, émi­nem­ment poli­tique, porte une atten­tion sur le carac­tère col­lec­tif de l’action, illus­tré dans ce film par la mise en place de sys­tèmes de soli­da­ri­té tels que la ton­tine (sys­tème de caisse com­mune dont le mon­tant est remis à tour de rôle à chacun·e des cotisant·es), l’entraide fami­liale et les asso­cia­tions de femmes au Came­roun. Un angle qui, à tra­vers le récit par­ti­cu­lier du per­son­nage de Mam­bar Pie­rette, met en lumière l’exis­tence d’une géné­ra­tion afri­caine, née après les indé­pen­dances, qui par­vient à s’organiser pour pal­lier les man­que­ments de l’État dans un contexte de cor­rup­tion des élites diri­geantes et de per­ma­nence du néo­co­lo­nia­lisme. Si Mam­bar Pier­rette réus­sit à rendre compte d’une réa­li­té dense et com­plexe tout en pro­po­sant une mise en scène simple et épu­rée, c’est grâce à la rigueur de sa réa­li­sa­trice dans la fabri­ca­tion même du film. Les dif­fé­rents per­son­nages sont majo­ri­tai­re­ment des inter­prètes non pro­fes­sion­nels jouant leur propre rôle et, pour la plu­part, appar­te­nant à la famille de la cinéaste. Un choix reven­di­qué par la réa­li­sa­trice qui a le sou­ci de ne jamais prendre le des­sus sur le vécu des per­sonnes filmées.

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